Un baptême – des spiritualités baptismales ?

Le dialogue intra-protestant est marqué depuis ses débuts par des querelles autour de la pratique du pédobaptisme. Claire Clivaz souhaite élargir cette problématique en proposant d’en voir l’origine dans la difficulté récurrente de la Réforme à articuler sola gratia et anthropologie, et à accorder au baptême son plein statut de sacrement. Elle aborde également les conséquences ecclésiales actuelles de ces difficultés et propose des pistes pratiques pour les Églises qui célèbrent le baptême à tout âge.

I – Ouverture

Luther, dans l’un de ses Propos de Table, suggère d’adopter l’attitude pastorale suivante vis-à-vis d’une femme dont l’enfant est mort-né sans avoir été baptisé : si la femme est pieuse, qu’on lui annonce la miséricorde de Dieu, qui n’est pas lié à ses sacrements de telle sorte qu’il ne puisse plus sauver autrement ; mais que cette opinion ne s’ébruite pas. Si la femme au contraire est impie, qu’on insiste sur le malheur et la perdition que représente la mort d’un foetus non baptisé, et qu’on l’annonce publiquement ! Luther, face à la vie qui sans cesse vient mettre en question la théologie, tente ici de déployer une spiritualité baptismale qui permette de prendre en compte la crise d’identité que traverse une femme qui perd un enfant à la naissance. Mais dans cet essai de dire une spiritualité baptismale pointe l’arête sur laquelle les Réformateurs dits « classiques » vont se situer lorsqu’ils essaieront de conjuguer théologie et anthropologie baptismales : rejetant l’automatisme sacramentel d’un certain catholicisme médiéval, ils vont avec force « insister sur la nécessité de la foi pour que le sacrement soit pour nous source de salut. Et pourtant ils [vont] baptiser les petits enfants ». Et pourtant ils ne rebaptiseront pas ceux et celles qui passeront à la Réforme, car « le baptême n’est point de l’homme, mais de Dieu, quiconque l’ait administré ». Cette arête est on ne peut mieux exprimée en Rm 8/24a : « Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance. »

La tension est posée : le baptême, acte de Dieu ou acte de l’homme ? le baptême, sacrement du salut ou témoignage du croyant ? Que cette tension mise en évidence me permette de souligner que le dialogue intra-protestant s’est trop souvent durci et limité à la polémique classique surgie autour de la pratique du pédobaptisme. Je partage en effet avec André Birmelé la conviction que la question du pédobaptisme est secondaire dans un débat où s’affrontent plutôt deux conceptions du baptême d’adulte, un débat où « le véritable enjeu est la compréhension de l’attribution du salut et [de] la manière dont Dieu veut s’approcher des humains ». Certes, la Réforme n’a pas l’apanage de cette problématique, récurrente depuis le IIIe siècle « selon les témoignages d’Origène et de Tertullien : […] l’appropriation personnelle de l’engagement baptismal ». Mais vu la vivacité des tensions apparues à ce propos dès les débuts de la Réforme (par exemple l’émergence rapide de la Réforme radicale), il est permis de se demander ce qui les a favorisées en terrain protestant particulièrement.

Avant de nous livrer à une brève enquête systématique et historique, tentons une typologie des spiritualités baptismales et sondons le terrain ecclésial réformé francophone. Il me semble en effet que, sous couvert d’énoncés dogmatiques, ce sont d’abord deux types de spiritualité baptismale qui se regardent ici en chiens de faïence : une spiritualité baptismale sensible à la dimension de la rupture, et une spiritualité baptismale sensible à la dimension de la continuité.

II – Protestantisme et spiritualités baptismales : état des lieux

1 – Essai de typologie

Une spiritualité baptismale se trouve à la croisée de deux axes, la théologie et l’anthropologie. Ou, autrement dit, à la croisée de deux types de problématiques : le discours que cette spiritualité baptismale offre sur Dieu, et la façon dont elle intervient dans la construction du sujet. Pour défricher le terrain où se donnent ces deux axes, j’aimerais développer ce que j’ai annoncé plus haut en évoquant deux grands types de spiritualité baptismale. Cette typologie a, bien sûr, comme toute typologie, des aspects artificiels, et nous verrons jusqu’à quel point il convient d’opposer ces deux types, qui ne sont ni exclusifs, ni exhaustifs.

A/ Une spiritualité baptismale sensible à la dimension de la rupture

Présentation et points forts : Ce type de spiritualité baptismale estime qu’au cours de l’existence il est possible de vivre une expérience de rupture forte, d’autant plus forte qu’elle est souvent ponctuelle – la conversion comme moment donné. Cette expérience de rupture signale une coupure radicale avec la vie antérieure, coupure amenée par la repentance, signal du passage avant-après. Par l’Esprit, en Christ, Dieu vient renouveler radicalement, dans l’instant, sa créature. Cette spiritualité baptismale est à l’image de Matthieu qui quitte son échoppe de collecteur d’impôts d’un moment à l’autre (cf Mt 9/9) ; c’est le sujet tout entier qui est saisi. L’idée de vivre dans la foi et existentiellement une rupture réelle a une portée catéchétique considérable pour l’individu de notre fin de millénaire : on proclame la possibilité d’être délivré des démons du passé, de tourner la page après une crise, un échec. Une spiritualité baptismale misant sur la continuité aura, quant à elle, plus de mal à parler d’un re-départ, d’un re-nouveau radical, dans la mesure où elle postule justement toujours un commencement antérieur à la prise de conscience individuelle. Enfin, le baptême d’adulte est vu en général comme illustrant particulièrement bien ce type A qui s’adresse plus à l’individu qu’au groupe.

Risques et faiblesses : Basée sur l’expérience de la rupture, cette spiritualité baptismale court le risque de l’exclusivisme, de l’autonomisation et de la privatisation lorsqu’elle est pensée en opposition à d’autres spiritualités baptismales, notamment le type B. L’exclusivisme peut se ressentir sur le terrain exégétique : la métanoia lucanienne, à laquelle on fait souvent appel pour mettre en avant le type A, est trop souvent assimilée dans ce contexte à une expérience de rupture marquée dans le temps et point de passage obligé. Or la métanoia peut souvent être comprise comme « une disposition morale permanente de la vie chrétienne » chez Luc, qui est le seul évangéliste à ajouter la mention « chaque jour » au logion de la croix à porter (Lc 9/23). L’exclusivisme et l’autonomisation se marquent bien sûr très souvent sur le terrain ecclésial : on pense à certains propos, ou à la pratique du rebaptême qui est à l’encontre totale de l’attitude des Réformateurs classiques (cf ci-dessus, § I). En cette toute fin de XXe siècle se signale aussi particulièrement le phénomène de privatisation du religieux, qui accompagne cette spiritualité baptismale quand elle se fait exclusive. On peut donner comme exemple les précisions apportées par l’Union de Prière de Charmes à la définition de laconfirmation par immersion : « Cette « confirmation » n’a pas de caractère institutionnel. Elle n’est pas un acte officiel de l’Église ; c’est une action privée de nature spirituelle. Elle n’est donc inscrite sur aucun registre. »

B/ Une spiritualité baptismale sensible à la dimension de la continuité

Présentation et points forts : Cette spiritualité baptismale estime quant à elle que l’existence, au-delà de ses moments de rupture, s’inscrit dans une continuité qui s’enracine dans la fidélité du Dieu de l’Alliance à sa promesse et dans l’événement unique de la croix et de la résurrection du Fils, confessé dans l’Esprit. Ce type B est à l’image du centurion qui, alors que tout est consommé, reconnaît après coup au pied de la croix : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15/39). Il permet de rendre compte des liens complexes entre générations, entre croyants de tous les temps, de toutes régions et de toutes confessions. Une spiritualité baptismale misant sur la rupture aura, quant à elle, plus de mal à intégrer les crises successives, la souffrance et les vieux démons qui reviennent, et à rendre compte par exemple du baptême des personnes jugées incapables de discernement mental. Attentif au mouvement baptismal qui entraîne l’homme jusqu’au-delà de lui (cf Rm 6/3-5), le type B souligne qu’on reçoit toujours le baptêmede quelqu’un, tout comme l’évangile nous est prêché. Le Nouveau Testament se distingue en effet des baptêmes de prosélytes dans le judaïsme ou le paganisme du Ier siècle par son emploi exclusif de l’actif ou du passif pour baptizein. Dans cette perspective, le baptême devient le lieu du faire mémoire, et Calvin rejettera le sacrement de pénitence, car « il n’y a nul doute que les fidèles tout le temps de leur vie ne doivent avoir recours à la souvenance de leur baptême, toutes les fois que leur conscience les rédargue ».

Enfin, le baptême de petits enfants est vu en général comme illustrant particulièrement bien cette spiritualité baptismale, qui s’adresse à l’individu dans un groupe, ce groupe étant la communion des saints ou le peuple de l’Alliance.

Risques et faiblesses : Basée sur l’expérience du don précédant la prise de conscience individuelle, cette spiritualité baptismale court le risque de la passivité et de l’automatisme lorsqu’elle est pensée en opposition à d’autres spiritualités baptismales, notamment le type A. L’accent mis sur la continuité peut conduire à plaquer le fait d’être enfant de Dieu sur l’engendrement humain, et à faire de la foi un breuvage qui s’ingurgiterait en même temps que le lait maternel. À tant accentuer l’agir de Dieu et l’importance de la communauté témoin de l’Alliance, on peut en venir en outre à perdre de vue non seulement l’importance, mais aussi tout simplement la place du sujet croyant responsable. Ainsi pour Elian Cuvillier, tant chez Luc que chez Paul, « à aucun moment l’idée de décision humaine de recevoir le baptême n’est présente » ; on se demande alors pourquoi le baptême reste encore « un geste nécessaire et joyeux », comme l’exégète l’affirme ensuite ! Sur ce même thème, la peine des Églises réformées à penser la confirmation indique bien une difficulté à accompagner l’appropriation personnelle de l’engagement baptismal (cf développement au § II.2).

2 – Spiritualités baptismales et vie ecclésiale

Soumis chacun à des dérives possibles, ces deux types de spiritualité baptismale gagnent à être pensés en complémentarité. Historiquement, cette complémentarité a par exemple été expérimentée aux alentours du IIIesiècle, puisque la Tradition apostolique d’Hippolyte de Rome nous brosse le portrait d’une Église où se côtoient baptêmes de nouveau-nés et baptêmes d’adultes précédés d’une préparation de trois ans ! De nombreux textes néotestamentaires invitent à associer au baptême tantôt des éléments de continuité, tantôt des éléments de rupture : par exemple, si le baptême de Jésus peut sembler l’exemple même du baptême d’adulte illustrant la rupture, il inclut aussi de nombreux éléments de continuité. Selon la version lucanienne (Lc 3/21-22), c’est sans ostentation que Jésus semble se glisser « lui aussi » au sein du peuple qui se faisait baptiser « tout entier » ; et si l’Esprit advient, Jésus n’en devient pas pour autant davantage Fils du Père, sans quoi l’on retrouve de vieilles tentations adoptianistes. De fait, la rupture se profile ici au sein de la continuité. Pourquoi donc, alors que nous pourrions nous inspirer de l’expérience évoquée par Hippolyte, reste-t-il si difficile de mettre en pratique l’invitation pressante de P. Gisel à « la mise en place d’une pastorale (externe et interne) et d’une vie ecclésiale telles que la reconnaissance réciproque de la validité et des risques respectifs de chacune des options [pédobaptisme et baptême d’adulte] soit effective et objet d’interpellations mutuelles » ?

En ce qui concerne les Églises pratiquant le pédobaptisme, même si elles célèbrent aussi des baptêmes d’adultes, il faut reconnaître d’une part qu’on cherche souvent chez elles en vain un véritable catéchuménat d’adultes et que l’accueil liturgique des enfants « présentés » n’a pas encore trouvé de formule adéquate. D’autre part, la pastorale pédobaptiste elle-même est en passe d’être mise en faillite. En effet, faut-il être bien peu persuadé de la validité de la spiritualité baptismale qui se tient en amont de cette pratique traditionnelle pour ne plus oser demander ne serait-ce que deux soirées de formations aux parents, parrain et marraine du futur baptisé ? Ou pour imaginer sans l’ombre d’un regret la fin à venir du pédobaptisme, comme le Genevois Henry Mottu qui voit là le chemin le plus évident pour le rapprochement des Églises et dénominations protestantes entre elles ! Comme si le pédobaptisme était une excroissance folklorique, et non, comme je l’ai indiqué, une concrétisation de la spiritualité baptismale sensible à la continuité.

Faut-il aussi avoir poussé à l’extrême les risques de cette même spiritualité baptismale pour ne plus proposer de lieu significatif à l' »appropriation personnelle de l’engagement baptismal » ? En effet, tant l’ERF en 1995 que l’EERV en 1992 ont supprimé la confirmation, laissant l’organisation d’un lieu significatif pour la confession de foi des catéchumènes – tous âges confondus – à la libre appréciation des paroisses, donc bien souvent des ministres. Vouloir dégager la confirmation de son automatisme rituel partait certes d’une bonne intention, mais il faut bien reconnaître qu’un vide est en passe de lui succéder, comme le signale clairement un pasteur réformé membre de l’Union de Prière de Charmes : Dominique-Samuel Burnat souhaiterait voir se propager la pratique de la confirmation par immersion « à une époque où l’abandon de la « confirmation » fait apparaître une béance inconfortable dans le cursus spirituel proposé institutionnellement ». Béance il y a : les catéchumènes non baptisés se voient proposer le baptême, lieu fort s’il en est ; les autres, une vague bénédiction ou … rien du tout. La « confirmation par immersion » représente-t-elle alors une solution à la cohabitation des divers types de spiritualité baptismale dans une Église réformée ? Il serait peut-être soulageant de pouvoir répondre oui pour la paix des paroisses : remarquons que l’Union de Prière de Charmes tient à lier cet acte au baptême reçu dans la petite enfance, et s’engage à tenir compte du préavis du pasteur responsable ; il semble y avoir là un effort de prise en compte de la spiritualité baptismale sensible à la continuité. Cependant, je suis convaincue que cette proposition se dit en fait bel et bien en opposition à une spiritualité baptismale de type B. En effet, on peut s’interroger sur certains propos, et surtout sur le sens d’une immersion accompagnée de la phrase « je te confirme dans l’alliance de ton baptême, au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». À quoi joue-t-on à vouloir ainsi faire sans faire ? Dans quelle impasse entraîne-t-on le candidat à l’immersion post-baptismale : est-il sensé éprouver un soulagement à l’idée d’être « en règle » face à un Dieu qui exigerait un rituel précis ? Veut-il marquer une étape de son existence ? que lui dira-t-on alors s’il se sent un jour le besoin de « re-confirmer » de la sorte son baptême ? Même si un détour historique et systématique (cf § III) est nécessaire pour défricher le terrain où s’énoncent ces interrogations, je dirai déjà que le point qui me semble démontrer que la confirmation par immersion ne peut être un acte aidant à la communion ecclésiale est cette insistance à la présenter comme une « action privée de nature spirituelle » (cf§ II.1 A) : nous sommes là à l’opposé de toute ecclésiologie baptismale et en plein syndrome de privatisation du religieux. En plus de devenir des Églises disséminées, les Églises réformées vont-elles se payer le luxe de devenir des Églises privées ?

Que proposer alors ? Que faire des tensions si vives qui peuvent apparaître autour du baptême en terrain protestant ? Avant d’esquisser une réponse, remontons à ce qui me semble être la source de ces tensions.

III – Querelles baptismales et difficulté de la réforme à gérer le « SOLA GRATIA« 

Les sacrements, lieux tests de la vie ecclésiale et du multitudinisme, ont d’emblée été sources de querelles en protestantisme. Mon hypothèse est qu’en amont des tensions surgies autour du baptême se tient la difficulté de la Réforme à gérer la réalité du sola gratia dans la vie des croyants ; ou autrement dit à articuler théologie et anthropologie. Avec quel sentiment de libération la Réforme n’a-t-elle pas tourné le dos à la théologie des oeuvres et aux indulgences de toutes sortes ! Tel l’enfant nietzschéen qui crée, elle s’envole, ivre de joie et de liberté. Le baptême va sembler le lieu théologique idéal pour proclamer le message : dans la Réforme classique se met en place une spiritualité baptismale dans laquelle est essentiellement pris en compte l’axe théologique, le pédobaptisme exprimant par excellence la gracieuseté et la continuité de l’Alliance instaurée par Dieu en Jésus-Christ. Refoulée, la question de l’anthropologie théologique afférente au sola gratia revient très vite. Dès le XVIe siècle apparaît une contestation du sola fide sous la forme du socinianisme, alors que Calvin, dans l’Institution chrétienne, fait précéder la question de la justification par celle de la sanctification. La sanctification sera carrément développée au détriment de la justification dans lepuritanisme anglais. Comme si la réalité rattrapait l’enthousiasme des débuts … Et l’on peut dire que le sola gratia ira jusqu’à se pervertir dans le syllogisme pratique, sorte de retour de la théologie des oeuvres sous un autre mode.

Karl Barth porte d’ailleurs un jugement sévère sur cette question. Non seulement il se désole de constater que Théodore de Bèze met le témoignage des oeuvres à la première place, et stigmatise le syllogisme pratique de l’article I, XII des canons de Dordrecht, mais surtout il fait remonter ce dernier trait à Calvin lui-même : « il ne me paraît pas possible de nier […] que ce qu’on a appelé plus tard le syllogismus practicus ait déjà été en fait un des éléments de la théologie de Calvin ». Le point du rupture entre Barth et Calvin s’opère ici sur le rôle du témoin, un rôle qui reste encore trop indispensable chez Calvin aux yeux de Barth. Tout au plus ce dernier laissera-t-il au Réformateur le bénéfice du doute : c’est par « une heureuse inconséquence [que Calvin] pensait pouvoir concilier […] le point de départ christologique et l’aboutissement anthropologique de sa pensée ». Difficulté à gérer le rapport entre sola gratia et réception du salut par le croyant, fantôme récurrent du syllogisme pratique, hiatus entre énoncé théologique et anthropologique : Karl Barth cerne les mêmes problèmes que ceux que nous avons énoncés au paragraphe précédent. Mais quelle réponse leur apporte-t-il et quelle théologie baptismale va-t-il articuler à cette réponse ?

Le théologien bâlois pense résoudre l' »heureuse inconséquence » de Calvin en ancrant fermement l’élection en Jésus-Christ et non dans le décret divin : elle devient par là-même certaine, et l’on écarte ainsi tout dilemme né du risque d’être réprouvé. En ce qui concerne le rôle du témoin, Barth opère un décrochement radical entre théologie et anthropologie : l’élu se témoigne certes à lui-même les «  »oeuvres du Christ », c’est-à-dire la grâce promise à l’homme », mais s’il est à la fois porteur et récepteur de ce témoignage, ce rôle « n’est rien d’autre qu’un adminiculum inferius du témoignage du Christ, qui agit par lui-même, miraculeusement, gratuitement ». Disparaissant de l’axe théologique au profit d’une sotériologie christomoniste, le rôle du témoin – adminiculum inferius – se trouve rangé de fait du côté desadiaphora, et l’anthropologie perd ainsi son statut théologique à proprement parler : ce sont des points que Pierre Gisel par exemple a déjà largement soulignés en d’autres termes.

Dès lors, que devient le baptême chez Barth ? De fait, dans la préface du dernier volume de la Dogmatique inachevée, Karl Barth reconnaît avoir « changé d’optique » depuis son fameux texte de 1943, La doctrine ecclésiastique du baptême. On a l’impression d’une radicalisation puisqu’il déclare : « Eu égard aux démonstrations exégétiques contenues dans le livre de mon fils, j’ai été obligé finalement de renoncer moi-même à la conception sacramentelle du baptême que j’avais défendue encore en principe en 1943 ». Cette remarque n’émane pas de l’enthousiasme d’un vieux père admiratif : il est tout simplement dans la logique des choses que le théologien bâlois ait abouti, en fin de compte, à ne plus considérer le baptême comme sacrement. En ne retenant que l’aspect du témoignage croyant et non de l’agir divin, Barth mettait le baptême tout entier du côté anthropologique, et donc – dans sa perspective – sans lien avec la sotériologie ou la christologie, selon le décrochement observé au paragraphe précédent. Le baptême ne pouvait dès lors plus être appelé sacrement, ni être le lieu où « le Seigneur accomplit de fait ce qu’il figure », selon l’expression de Calvin (cf n. 14).

On voit bien que ce qui se joue tout au fond des tensions entre spiritualités baptismales est en dernier lieu le statut du baptême comme sacrement, sur le point précis de l’articulation entre sotériologie et anthropologie ; soit deux conceptions du baptême d’adulte, comme le soulignait André Birmelé (cf § I), le pédobaptisme n’étant qu’une question subordonnée à celle-ci. De fait, le statut de l’anthropologie reste sujet à caution en théologie réformée, comme le montrent à des degrés divers deux exemples francophones récents. C’est d’une part André Gounelle qui range les questions anthropologiques afférentes au baptême dans l’ordre de « l’accessoire », et laisserait volontiers tomber la catégorie de sacrement. C’est d’autre part Henry Mottu qui, tout en voulant revaloriser le sacrement dans son incarnation et dans ce qu’il a degeste prophétique, ne sait trop quelle place donner au rite : ce dernier fait figure de parent très pauvre dans son ouvrage et le théologien ne parvient pas en dernier lieu à articuler anthropologie et théologie.

IV – Propositions pour sortir d’un problème récurrent

Au vu du problème récurrent de la Réforme à gérer le sola gratia, au vu de l’option barthienne conduisant ultimément à refuser le baptême comme sacrement, si l’on veut conserver un baptême d’adulte (et secondairement d’enfant) qui soit un sacrement, ma conviction est qu’il faut rapidement redonner un statut théologique clair à l’anthropologie en théologie réformée – et plus largement protestante. Ce renouveau ne se fera pas sans se mettre à l’écoute de voix extérieures, que ce soit celles de Maxime le Confesseur, de Louis-Marie Chauvet, de Dietrich Bonhoeffer ou … de l’Écriture.

Les aléas du monde réformé avec le statut du témoin dans la question de la réception du salut et la crainte de buter contre le syllogisme pratique nous permettent très difficilement de porter un regard positif – ou ne serait-ce qu’un peu moins négatif ! – sur toute articulation entre anthropologie et salut. Ne peut-on vraiment qu’en rester au constat d’un « paradoxe indépassable » avec Pierre Bühler, selon ce que ce dernier ressent à la lecture de Ph 2/12b (« avec crainte et tremblement mettez en oeuvre votre salut ») ? Il me semble que Paul pose des bornes plus enthousiastes sur le chemin de la sanctification : par exemple celle de 1 Th 3/2 où il nous appelle à nous reconnaître « collaborateur de Dieu dans la prédication de l’évangile ». Si ce chemin de sanctification ne saurait économiser « les craintes et les tremblements », son orientation générale est toutefois celle de Rm 8/24a : l’espérance. Cette espérance devrait nous inviter à regarder positivement les travaux venus de l’anthropologie elle-même.

C’est ce qu’a fait Louis-Marie Chauvet, théologien catholique qui se prononce à partir des travaux de l’ethnologue Mauss sur le don : « s’il est vrai que le baptême des petits enfants est un lieu majeur d’attestation de la grâce, en revanche, il ne peut être pris comme la figure exemplaire de cette même grâce sans risquer de la pervertir : elle serait en effet d’autant plus « grâce » qu’elle serait davantage en concurrence avec la libre réponse de l’homme […]. Or, on n’affirme pas Dieu au détriment de l’homme : la grâce n’est jamais aussi bien attestée en son intégralité que lorsqu’on prend en compte la liberté du contre-don de l’homme qu’elle sollicite. » De tels propos viennent de la plume d’un auteur qu’on ne peut vraiment pas soupçonner de mépriser le sacrement ou d’être anti-pédobaptiste. Quelle critique utile pouvons-nous en tirer ? S’il est clair qu’en matière de sotériologie notre richesse confessionnelle est de tenir fermement le sola gratia, nous devrions cesser de dissocier radicalement cet axe théologique d’avec l’axe de l’identité (anthropologique), où se dit précisément le point d’ancrage de la foi en l’homme et la pédagogie du salut. C’est sur cet axe-là qu’est à comprendre l’insistance de Chauvet sur le contre-don, comme il le précise lui-même plus loin dans son ouvrage : s’il considère le sacrement comme point de passage obligé, c’est dans le cadre d’une problématique non pas sotériologique, mais identitaire. C’est là que la réponse de l’homme est attendue et nécessaire, comme le disait déjà à sa façon Dietrich Bonhoeffer.

Cet axe anthropologique ne vient donc pas en surplus ou ad libitum, faisant nombre avec les adiaphora. La grâce, si débordante, prévenante et surabondante soit-elle, s’inscrit toujours dans un cheminement, ce que Luc met en évidence avec un art narratif sans pareil dans le récit de l’onction chez Simon (Lc 7/36-50). Sans se rapporter directement à une problématique baptismale, ce texte met en scène le cheminement d’une femme vers le salut, une femme mise en marche par le salut, en route avec le salut : apo doxès eis doxan, ai-je envie de dire avec 2 Co 3/18. Traditionnellement, exégèses catholique et protestante s’opposent sur le v. 47, tentant d’y lire soit le sola fide (47b), soit le salut par les oeuvres (47a), toutes deux s’en tenant au seul axe théologique de la spiritualité mise en oeuvre dans le récit. Mais sans recourir à une exégèse harmonisante que François Bovon qualifie de « trop subtile explication », il est possible de suivre la rencontre progressive de cette femme avec la grâce, tout en gardant la tension des énoncés de 47a et 47b. Il y a un avant : elle a au moins une fois entendu parler d’une façon ou d’une autre de Jésus, puisqu’elle vient. Mais si cet avant de la grâce la porte déjà, cette femme obtempère autant à son affect qu’à sa foi naissante en choisissant des gestes équivoques pour exprimer ce qui vient bouleverser sa vie : contre-don à la fois nécessaire et maladroit. Pour « aller en paix » réellement (cf v. 50), elle ne saurait faire l’économie d’une rencontre avec le Christ, une rencontre où celui-ci ne fera rien d’autre que lui dire … que ses péchés ont déjà été pardonnés ! Tout est dans la manière : il fallait pouvoir utiliser les mots adéquats, au moment propice et avec l’attention requise pour que la grâce se déverse à torrent dans le coeur de la femme. Jésus n’hésite pas à répéter ce pardon (v. 48 et 50) pour que cette grâce soit palpée, sentie, réalisée par son interlocutrice.

Pas de foi chrétienne sans cheminement donc, un cheminement où se repèrent des éléments de rupture et de continuité (cf § II.1 A-B). Si la rupture advient, ce ne peut être qu’au sein du déroulement d’une existence, une existence où la grâce est à réentendre sans cesse, car la paix est à vivre (« va ! », v. 50) et non à posséder. N’est-ce pas ce que nous avons oublié lorsque nous nous référons promptement à la théologie paradoxale du simul justus et peccator de Luther, laissant de côté son autre formulation qui pourtant articule axe théologique et axe anthropologique : semper peccator, semper justus atque semper pænitens ? Il peut y avoir une certaine paresse à se satisfaire de la réponse du paradoxe, éternel écho de la croix, lorsqu’un thème théologique se dérobe sans cesse, comme celui du chemin de sanctification. Oser penser le semper pænitens avec le semper peccator et lesemper justus invite tout de suite à redonner ses lettres de noblesse à une anthropologie théologique où le rôle du témoin, sans empiéter en rien sur lesola gratia, va être tout sauf un adminiculum inferius.

La capacité, l’envie et la nécessité d’être témoin pourraient du reste être le maître mot de la rhétorique de Luc-Actes, littérature tant évoquée dans les polémiques baptismales. Selon John A. Darr, « la dynamique rhétorique fondamentale de Luc-Actes vise à transformer les lecteurs en témoins idéaux« . Cette thèse mériterait d’être débattue – et sans doute nuancée -, mais il me semble en tous cas possible de dire que, si le témoin a une place de choix dans l’oeuvre lucanienne, ce n’est pas sur un piédestal empreint de naïveté. De la transmission à la trahison – tradere – il n’y a qu’un pas, ce que Luc signale en utilisant paradidômi tant pour qualifier Judas (dès sa première mention en Lc 6/16) que pour exprimer la transmission de l’évangile (Lc 1/2) au sein d’une communauté à laquelle le narrateur se sait toutefois appartenir (cf hèmin en Lc 1/1-2). Ainsi, même si l’oeuvre lucanienne tente le pari d’une anthropologie chrétienne qui honore la place du témoin, elle reste consciente de l’ambiguïté énoncée dans le paradoxe de Ph 2/12b. Et ce n’est finalement que dans la préface des Actes – après Pâques et à l’aube de Pentecôte – que le narrateur ose affirmer un « je » (cf époièsamèn, Ac 1/1), un « je » qui court le risque de transmettre tout en se sachant semper traditor.

V – Conclusion : célébrations et catéchèses baptismales

Quel baptême voulons-nous ? Celui qui inscrit le témoin dans la catégorie de l’adminiculum inferius, et qui peut à la limite être réitéré ou « confirmé par immersion » parce qu’il n’est plus reconnu comme le lieu où « le Seigneur accomplit de fait ce qu’il figure » ? ou celui qui est un sacrement parce qu’il désigne le lieu précis où se croisent les axes théologique du sola gratia et identitaire du chemin de sanctification, le lieu précis où se conjuguent rupture et continuité ? C’est de cette question-là que devrait traiter le dialogue intra-protestant, en cessant de croire cerner l’essentiel avec le noeud du pédobaptisme. Si l’on fait le choix de la seconde partie de l’alternative, cela devrait conduire à déployer une spiritualité baptismale où se marient les éléments de rupture et de continuité, et cela tant dans la célébration baptismale que dans une catéchèse baptismale, catéchèse qui devrait être continue. Je souhaiterais développer en finale ces remarques pratiques.

Le baptême d’adulte semble illustrer de lui-même la rupture : il s’agit de laisser cette dimension résonner de tout son poids dans l’axe anthropologique, et de permettre au candidat d’investir comme tel ce moment du baptême. Mais une naïveté existentielle (« j’efface tout ce qu’il y a eu avant ») ne sera évitée qu’en apportant fermement des éléments de continuité dans une telle célébration : invitons le futur baptisé à considérer ce lieu autant comme l’occasion d’une réconciliation que d’une coupure avec ce passé avec lequel il entend rompre. Le « une fois pour toutes » de la croix n’empêche pas le Christ d’être ressuscité avec la marque des clous dans sa chair (cf Jn 20/27), ni ne dispense la communauté du faire-mémoire (cf 1 Co 11/23-26). La mise en évidence des éléments de continuité, de lâcher-prise et de dépossession de soi devrait permettre d’associer le baptême d’adulte y compris à des textes comme le Ps 131/1-2 : « Seigneur, mon coeur est sans prétention ; mes yeux n’ont pas visé trop haut. Je n’ai pas poursuivi ces grandeurs, ces merveilles qui me dépassent. Au contraire, mes désirs se sont calmés et se sont tus, comme un enfant sur sa mère. »

Le baptême d’un petit enfant semble illustrer de lui-même cette continuité et cette dépossession : on laissera ces dimensions résonner de tout leur poids dans l’axe anthropologique au cours du dialogue avec la famille, souvent si proche encore de la naissance ou découvrant les étapes du métier de parents. Mais une naïveté existentielle (« avec ce baptême qui protège, j’assure doublement la vie à mon enfant qui m’appartient ») ne sera évitée qu’en apportant fermement des éléments de rupture dans une telle célébration : ce baptême n’est pas qu’un lieu d’attestation et de reconnaissance familiale ; il dit aussi que cet enfant n’est pas la possession de la famille, ce qu’indique l’habitude traditionnelle de la marraine tenant l’enfant dans ses bras. On encouragera aussi le célébrant à prendre après le baptême l’enfant dans ses bras pour le présenter à l’assemblée, sa famille chrétienne. Ce jeu entre deux familles – humaine et chrétienne -, posé dès le début de la vie, devrait permettre à l’enfant devenu adulte de trouver une juste distance à sa famille biologique, parfois si étouffante. Aussi un texte comme Jn 3/5 a tout-à-fait sa place dans une telle célébration. La dimension de la rupture pourra être marquée aussi dans le courage de la communauté à signaler à la famille qu’elle entre dans une démarche qui la dépasse : l’EERV propose par exemple que, dans le cas où aucun des parents, parrain et marraine ne semblerait prêt à assumer les engagements du baptême, le conseil de paroisse désigne un parrain ou une marraine d’Église.

Ces deux sortes de célébrations baptismales appellent toutes deux une catéchèse baptismale continue, offerte tantôt communautairement (prédication, études bibliques, retraites, etc), tantôt individuellement (cure d’âme, etc). En ce qui concerne l’accompagnement individuel, il s’agira à chaque fois d’évaluer si des éléments de rupture ou de continuité doivent être accentués dans le faire-mémoire baptismal. En ce qui concerne le pôle communautaire, outre les moyens mentionnés ci-dessus, on ne manquera pas d’offrir annuellement un lieu où redire le triple oui baptismal. Mais bien sûr un lieu public (et non un « acte privé »), sans équivoque (par exemple sans immersion) et communautaire. Quant à la « démarche confirmante » dont la nécessité est réaffirmée par Jean-François Zorn, elle me semble indispensable tant au vu de la lecture proposée de Lc 7/36-50 qu’au vu du rééquilibrage suggéré en matière d’anthropologie théologique.

Ainsi il n’y a plus à sempiternellement « s’excuser » de devoir maintenir un lieu d’affirmation de la foi pour ceux qui ont reçu le baptême comme petit enfant, parce que c’est une grâce que de répondre à la grâce. Cessons de faire le Judas qui trouve insensé que la femme répande un parfum précieux sur les pieds du Christ (cf Jn 12/5) et qui ne sait plus la nécessité de ce contre-don. Sans quoi l’on finira par sombrer dans l’indétermination du sujet – et finalement le non-être ecclésial le plus complet. Quant aux critères précis de (re ?-)mise en place d’une démarche confirmante, ceux énoncés par J.-F. Zorn me semblent tout à fait pertinents pour la situation actuelle : « un rite ecclésial mobile dans le temps », une bénédiction avec « imposition des mains » qui ne serait pas un acte « rétrospectif », mais « tourné vers l’avenir, vers le service que le chrétien doit accomplir dans le monde ». Comme autre élément indispensable, j’ajouterai une confession de foi, contre-don à dire dans l’esprit de Mc 9/24 : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! »

Enfin, qu’il me soit permis d’exprimer de façon toute personnelle la joie et la richesse qu’il y a à s’approprier une spiritualité pédobaptiste : une spiritualitéreçue, meilleur paradigme qui soit de la grâce jaillie de la croix avant ma venue à l’existence ; une spiritualité réaliste qui ne m’invite pas à rechercher artificiellement le moment de rupture dans un processus de foi dont je connais les énoncés depuis ma naissance ; une spiritualité revendiquée lors du oui de ma « démarche confirmante », un oui renouvelé sans cesse communautairement ; une spiritualité apprivoisée envers et contre mon penchant à un individualisme triomphant ; une spiritualité compagne du premier au dernier jour, celui-ci fût-il noyé dans la brume de la perte de mémoire ; bref, une spiritualité pédagogue, comme le Christ l’a été pour une femme qui s’épuisait dans les larmes à guetter la paix promise, la paix déjà donnée.


Notes

 

Claire CLIVAZ est théologienne et membre de l’Église Évangélique Réformée du canton de Vaud (Suisse).

1 Cf Martin LUTHER, Werke. Tischreden, vol. 6 : n° 6764, Weimar : H. Bohlau, 1921, p. 174.

2 Pour une présentation plus détaillée de ce Propos de Table, cf Wolfgang GROSS DE GROER, « La maladie et la mort dans les Propos de Table de Martin Luther. Conséquences pastorales, ecclésiastiques et éthiques », Positions Luthériennes 41, 1993, p. 283-284.

3 On appréciera diversement le critère de Luther (que la femme soit pieuse ou non), ainsi que la conclusion qu’il en tire : on le sent très soucieux de l’aspect pédagogique des prises de position pastorales. Il en est souvent de même chez lui, par exemple en ce qui concerne le suicide, cf W. GROSS DE GROER, op. cit., p. 278.

4 André BIRMELÉ, « Le débat entre Luther et Zwingli. Une contribution au dialogue oecuménique sur le baptême », Positions Luthériennes 39, 1991, p. 51.

5 Jean CALVIN, Institution chrétienne IC] IV, XV, 16, éd. Kerygma-Farel, 1978, p. 307.

6 Cf A. BIRMELÉ, art. cit., p. 51.

7 ID., ibid., p. 58.

8 L. J. SUENENS, « Renouveau et néo-catéchuménat », Magnificat 5, 1977, p. 5.

9 J’ai bien sûr conscience d’être partie prenante dans cette typologie, dans la mesure où je suis nettement plus sensible à la spiritualité baptismale de type B. Mais qui écrit sur ce thème en pouvant se targuer d’adopter un point de vue totalement neutre ?

10 François BOVON, Luc le théologien. Vingt-cinq ans de recherches, Genève : Labor et Fides, 19882, p. 300.

11 En outre, plusieurs récits lucaniens dans lesquels le thème de la métanoia semblerait naturel n’en disent rien ; par exemple Zachée (Lc 19/1-10), le Fils Prodigue (Lc 15/11-32) et le baptême de l’Eunuque (Ac 8/26-40).

12 Ainsi F. LOVSKY pour qui « le sacrilège multiplié par la pratique du pédobaptisme » signalerait « l’apostasie presque générale » de l’Église : « La pensée théologique du pasteur Louis Dallière », ETR 53, 1978, p. 184. Il présente pourtant dans cet article la « confirmation du baptême par immersion » – pratique de l’Union de Prière de Charmes – qu’il qualifie d' »acte de fidélité au baptême déjà reçu » dans l’enfance (ibid., p. 183). Le type A est pourtant ici bel et bien pensé en opposition au type B, comme le démontrent les pointes exclusivistes.

13 Annexe au protocole d’accord de l’Union de Prière de Charmes avec l’Église Réformée de France, juin 1972, § 4 (texte disponible à l’Union de Prière, Boissier, 07800 Charmes-sur-Rhône). Cf section II. 2 du présent article pour un développement.

14 Cf par exemple J. CALVIN qui dit à propos du baptême : « le Seigneur […] accomplit de fait ce qu’il figure », IC IV, XV, 14 : op. cit., p. 305.

15 Ce dernier point est indiqué comme question à débattre dans « Pour un dialogue sur le baptême au sein de la Fédération protestante de France », Positions Luthériennes

16 À l’exception d’Ac 22/16 où baptizein se trouve au moyen, mais sans qu’il y ait d’équivoque possible sur le rôle d’Ananias dans le baptême de Paul. Pour un développement de cette question, voir l’article « Baptô » de Hans WINDISCH in : G. KITTEL (éd.),Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament, vol. 1, Stuttgart : Kohlhammer, 1933, particulièrement p. 533, 538 et 544.

17 Cf Pierre GISEL : « Le « baptême d’eau » reçu, au passif donc, est le lieu d’un travail de l’Esprit : on ne cessera de faire « mémoire » du baptême ; et on le rappellera » : Pourquoi baptiser. Mystère chrétien et rite de passage, Genève : Labor et Fides, 1994, p. 45.

18 IC IV, XV, 4 : op. cit., p. 297.

19 Ainsi A. BIRMELÉ qui affirme, en s’inspirant de Luther, que « même le nourrisson entend et comprend sa mère, et à plus forte raison Dieu, dans une dimension autre que rationnelle », art. cit., p. 51 s. Chez Calvin aussi le corps maternel peut sembler conduire directement au corps ecclésial, cf IC III, XV, 22 : op. cit., p. 313.

20 E. CUVILLIER, « Le baptême chrétien dans le Nouveau Testament : éléments de réflexion », ETR 70, 1995, p. 175.

21 Cf Bernard BOTTE (éd.), La Tradition apostolique d’après les anciennes versions, (Sources chrétiennes 11bis), § 15-21, Paris : Cerf, 1968, p. 69-83.

22 Voir le § IV pour un développement de Lc 7/36-50.

23 P. GISEL, op. cit., p. 88. Nous discuterons ici le cas des Églises protestantes issues de la Réforme classique (notamment les Églises réformées), puisqu’elles s’estiment ouvertes au baptême célébré à tout âge.

24 Le plus bel exemple est sans doute celui de l’Église Évangélique Réformée du canton de Vaud (EERV) en Suisse romande : depuis 1976, un « acte d’intercession pour les parents d’un petit enfant » peut être proposé aux familles comme alternative au baptême (cf document 3.2 du Recueil de documents officiels de l’EERV). Il s’agit d’un temps de prière d’intercession pour les parents de l’enfant, pouvant même être conduit en l’absence de ce dernier. Dans les faits, on note cependant que certains ministres n’en parlent pas aux familles, alors que d’autres l’ont simplement mué en présentation. De plus, on signalera que les statistiques officielles de cette Église ne se soucient d’offrir des chiffres sur cet acte liturgique que depuis … 1990. Une discussion synodale sur ce thème est en attente. NB : un pasteur vaudois n’a pas la possibilité de refuser par principe les baptêmes de petits enfants, comme dans l’Église Réformée de France (ERF). Le taux d’actes d’intercession ne dépasse pas 5 %.

25 « Je pense personnellement que le baptême d’adultes ou de responsabilité deviendragraduellement la règle dans le christianisme de l’avenir, le baptême des nourrissons ne pouvant se faire qu’à titre d’exception, sous l’éclairage d’un baptême responsable » : Le geste prophétique. Pour une pratique protestante des sacrements, Genève : Labor et Fides, 1998, p. 180. Pour une présentation détaillée de cet ouvrage, cf Claire CLIVAZ, « Une présentation et une mise à l’épreuve du Geste prophétique d’Henry Mottu », RThPh 131, 1999, p. 39-51 ; Félix MOSER, « Existence sacramentelle aujourd’hui », ETR 74, 1999, p. 561-572.

26 H. MOTTU, ibid., p. 189 s, n. 29.

27 Cf ci-dessus, n. 8.

28 En ce qui concerne l’EERV, les normes synodales prévoient bien à cet effet une « Fête de l’Alliance » (cf le règlement 1.15 du Recueil des documents officiels de l’EERV), mais au gré des pasteurs elle peut très bien ne jamais être organisée, ou servir par exemple d’énième culte parents-enfants, sans faire aucune place à la confession de foi des jeunes et adultes qui le souhaiteraient. Pour un développement, cf C. CLIVAZ, « Fin de catéchisme : dégâts et promesses », Correspondance fraternelle 3, 1996, p. 4-7.
En ce qui concerne l’ERF, la formulation « lors de leur catéchèse, les catéchumènes, jeunes ou adultes, sont appelés à confesser que « Jésus-Christ est le Seigneur » » (nouvel article 8 de la Discipline de l’Église réformée de France, Paris, 1995) laisse imaginer le même flou artistique. Pour un développement, cf Jean-François ZORN, « Catéchèse et rite d’intégration ecclésiale ou les avatars de la confirmation dans les Églises de la Réforme », Cahiers de l’IRP29, 1997, p. 13-20.

29 «  »Confirmation » du baptême », Foyers Mixtes 112, 1996, p. 28.

30 Si l’ERF semble accepter cette pratique puisqu’elle figure dans l’Annexe au protocole d’accord (cf ci-dessus, n. 13), ce n’est pas encore le cas de l’EERV qui n’a pas pris de position officielle sur ce point, bien que certains de ses ministres proposent et pratiquent la confirmation du baptême par immersion.

31 Cf Annexe (op. cit.), § 2 et 5.

32 Cf n. 12, mais aussi D.-S. BURNAT, op. cit., notamment p. 24.

33 Peut-on assumer un tel acte liturgique face aux catholiques avec lesquels nous avons d’un commun accord renoncé au rebaptême réciproque (pour la Suisse : accord du 5 juillet 1973 signé entre la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS), l’Église catholique romaine et l’Église catholique chrétienne) ?

34 On sait déjà que des demandes de second rebaptême se présentent … La situation peut faire penser à la polémique sur les schismatiques et les apostats aux IIIe et Ve siècles, mis à part une différence de taille : c’était alors la communauté ecclésiale qui s’interrogeait sur la validité d’une pratique, alors que, dans le cas qui nous occupe, la demande émane de l’individu, soumis à diverses influences, bien sûr.

35 Ainsi J. CALVIN : « Les petits enfants engendrés des chrétiens ne sont point baptisés pour commencer d’être enfants de Dieu, comme si auparavant ils ne lui eussent en rien appartenu, et eussent été étrangers à l’Église ; mais plutôt afin que, par ce signe solennel, il soit déclaré qu’on les reçoit en elle, comme étant déjà du corps de l’Église », IC IV, XV, 22 :op. cit., p. 313. Cf aussi Dorothea MEYER-LIEDHOLZ, « Die Lehre vom Bund bzw. in ihrer Auswirkung auf die Stellung zum Alten Testament. Ein Vergleich der Reformatoren Luther, Zwingli, Bullinger und Calvin », Theologische Zeitschrift 49, 1993, p. 325-352, notamment p. 348.

36 Cf Gabriel-Philippe WIDMER, « Salut », in : P. GISEL (éd.), Encyclopédie du protestantisme, Paris/Genève : Cerf/Labor et Fides, 1995, p. 1384-1388.

37 Cf Dogmatique II/2, vol. 8, § 35, Genève : Labor et Fides, 1958, p. 334.

38 « Les élus sont en son temps rendus certains de leur élection éternelle et immuable à salut, quoique par degrés et mesure inégale, non pas en sondant curieusement les secrets et profondeurs de Dieu, mais en prenant égard en eux-mêmes avec une joie spirituelle et sainte liesse aux fruits infaillibles de l’élection » : Canons de Dordrecht I, XII, in : Olivier FATIO (éd.), Confessions et catéchismes de la foi réformée, Genève : Labor et Fides, 1986, p. 315.

39 Dogmatique, op. cit., p. 334. K. BARTH cite notamment IC III, XIV, 18.

40 ID., ibid.

41ID., ibid., p. 337.

42 ID., ibid., p. 338 et 336.

43 ID., ibid., p. 338.

44 Analysant les questions refoulées chez Barth, P. GISEL relève un manque de consistance anthropologique, et, en ricochet, s’interroge sur le rôle de la pleine humanité de Jésus-Christ dans l’oeuvre du salut, ainsi que sur la pertinence d’une théologie « à la limite sans création – sans tiers assurant un lieu à la rencontre Dieu-homme » : « Réceptions protestantes et questions ouvertes », in : P. GISEL (éd.), Karl Barth. Genèse et réception de sa théologie, Genève : Labor et Fides, 1987, p. 253, 266 et 267.

45 Dogmatique IV/4, vol. 26, « Avant-propos », Genève : Labor et Fides, 1969, p. XI.

46 Ibid., p. XII.

47 Cf A. GOUNELLE, Le baptême. Le débat entre les Églises, Paris : Les Bergers et les Mages, 1996, p. 147 et 142.

48 H. MOTTU, op. cit, cf notamment p. 130, 162 et 163, ainsi que mon étude critique mentionnée à la n. 25.

49 P. BÜHLER, « Prédestination et providence », in : Encyclopédie du protestantisme, op. cit., p. 1200.

50 Pour poursuivre la méditation de ce verset qui peut sembler « risqué » à plus d’un oeil protestant, on aura intérêt à découvrir la vision équilibrée de la synergie que développe Maxime le Confesseur, le plus occidental des Pères orientaux. Passée au tamis de l’asunchutôs de Chalcédoine, la synergie permet alors « à la nature humaine de fournir tout son contenu positif […] pour la construction de la synthèse qui doit relier Dieu et le monde », tout en assurant une différenciation constante, voire croissante, entre Dieu et l’homme : Hans-Urs VON BALTHASAR, La liturgie cosmique. Maxime le Confesseur, Paris : Aubier, 1947, p. 189.

51 L.-M. CHAUVET, Symbole et sacrement, Paris : Cerf, 1987, p. 114.

52 ID., ibid., p. 289.

53 « La grâce à bon marché, c’est la prédication du pardon sans repentance, c’est le baptême sans discipline ecclésiastique, c’est la sainte Cène sans confession des péchés, c’est l’absolution sans confession personnelle » : Le prix de la grâce, trad. de L. Giard et R. Revet, Paris/Genève : Cerf/Labor et Fides, 1985, p. 20.

54 Mais ce récit n’est peut-être pas sans lien au baptême : G. BRAUMANN a pensé voir leSitz im Leben de la formule « ta foi t’a sauvée » (v. 50) dans la proclamation baptismale (cf « Die Schuldner und die Sünderin (Lc. VII, 36-50) », NTS 10, 1963-64, p. 490) ; et U. WILCKENS imagine ce récit proclamé lors du geste baptismal, notamment lors d’un baptême de femme (cf « Vergebung für die Sünderin (Lk 7, 36-50) », in : Paul HOFFMANN (éd.),Orientierung an Jesus. Zur Theologie der Synoptiker (FS J. Schmid), Fribourg/Bâle/Vienne : Herder, 1973, p. 419).

55 Luc met en scène une telle diversité de parcours qu’il ne s’agit pas, bien sûr, de vouloir tirer de Luc-Actes un schéma d’étapes psychologiques ou théologiques de réception du salut (ordo salutis). Pour un développement de ce thème, cf F. BOVON, Luc le théologien, op. cit., p. 293 s.

56 Cf F. BOVON, L’Évangile selon saint Luc 1-9, Genève : Labor et Fides, 1991, p. 385. Le spécialiste lucanien s’en remet quant à lui finalement à l’explication des couches rédactionnelles successives (cf ibid., p. 379 et 385), ce qui l’amène à passer à côté de la stratégie narrative lucanienne et à porter une évaluation peu enthousiaste sur cette rédaction : le récit se terminerait d’une « façon un peu plate » (ibid., p. 378) ; la répétition du pardon serait peut-être « une sorte de refrain » (ibid., p. 386 ; cf aussi n. 59 du présent article).

57 F. BOVON, L’Évangile, op. cit., p. 384 s.

58 Une autre façon d’honorer les tensions du texte sans les résoudre trop vite est présentée par le reader-response criticism tel que le déploie Ingrid Rosa KITZBERGER dans « Love and Footwashing : John 13 : 1-20 and Luke 7 : 36-50 Read Intertextually », Biblical Interpretation2, 1994, p. 201.

59 La teneur érotique du geste de la femme est reconnue ; mais faut-il postuler comme F. BOVON que, face à ce geste, Jésus se met à faire de l’exégèse existentielle et « perçoit grâce aux larmes, le vrai sens caché dans ces gestes » (L’Évangile, op. cit., p. 382) ? Plutôt qu’à un acquis, c’est au manque de la femme que Jésus me semble ici attentif : la paix, et la possibilité d’exprimer en paix la grâce reçue. C’est pourquoi il va mettre en oeuvre une pédagogie de la grâce aux v. 47, 48 et 50, versets qui sont loin de représenter une « sorte de refrain » (cf n. 56), mais bien plutôt une prise en compte de l’axe identitaire.

60 Le parfait (7/47, 48) est ici propre à Luc, comme en Lc 5/20 ou 13/12. Mais, contrairement à F. BOVON qui en conclut que « le moment du pardon n’intéresse pas Luc » (L’Évangile, op. cit., p. 385), je propose de comprendre ces passages selon l’usage courant du parfait en grec : une action passée (qui a donc eu son lieu), mais dont les effets se font ressentir dans le présent. L’antériorité de l’action importe donc certainement à Luc, ainsi que l’accent sur le déploiement présent des effets de cette action. Il est du reste intéressant de noter la mise en scène narrative des différents points de vue sur cette question : si Jésus emploie trois fois le parfait pour exprimer le salut (7/47, 48, 50), les invités, eux, redécrivent l’action au présent (7/49 : aphièsin).

61 C’est ici le lieu de la mémoire baptismale, dont l’importance est soulignée par Calvin (cf ci-dessus, n. 18). Traditionnellement, le lieu de ce faire-mémoire est la veillée pascale, où chacun est invité à redire son engagement baptismal ; une « fête de l’Alliance » peut également offrir un lieu où la communauté soutient et porte la démarche confirmante des catéchumènes en renouvelant sa propre mémoire baptismale.

62 Pour la formulation cf Jean-Louis KLEIN, « Le péché et la grâce », Positions Luthériennes42, 1994, p. 120.

63 John A. DARR, « Narrator as Character : Mapping a Reader-Oriented Approach to Narration in Luke-Acts », Semeia 63, 1993, p. 56.

64 De plus, en lieu et place de la seconde anamnèse eucharistique à laquelle le texte de 1 Co 11/25 nous a habitués, se trouve chez Luc la plainte déchirante de Jésus sur « la main de celui qui me livre » (Lc 22/21). Autant le faire-mémoire permet la construction de l’identité (communautaire et individuelle), autant il demeure un lieu d’ambiguïtés et de dérives possibles. Tels devraient être les éléments à ne jamais négliger en théologie protestante des sacrements.

65 En Lc 1/1-4, c’est d’abord le « nous » de la communauté qui est posé (Lc 1/1-2) ; puis au sein de ce « nous » émerge le « je », mais comme en filigrane au gré d’une tournure impersonnelle : « il m’a semblé bon à moi aussi » (édoxé kamoi, Lc 1/3) ; le « aussi » signale bien que le « je », pour le meilleur comme pour le pire, est partie prenante du geste de transmission (paradidômi).

66 La vision banalisante d’André GOUNELLE – qui ne garde du baptême que l’aspect pédagogique – s’inscrit aussi dans cette non-reconnaissance, cf par exemple : « En dépit de tous les textes qui demandent qu’on ne les confonde pas, je ne distingue pas vraiment ces deux cérémonies [baptême ou présentation d’enfant]. Je les trouve équivalentes. […] J’avoue ne guère voir de différence entre les cérémonies qu’on appelle « sacrements » et celles qui n’ont pas droit à cette appellation » (op. cit., p. 142).

67 Cf. n° 2.5 du Recueil des documents officiels de l’EERV. Cette possibilité n’a pas beaucoup été exploitée à ma connaissance …

68 Cf par exemple : « La « démarche confirmante » […] ne se justifiait pas seulement à l’aide d’arguments de théologie dogmatique, mais à l’aide d’arguments anthropologiques ayant à voir avec les étapes et la conduite de la vie », art. cit., p. 17.

69 Cf remarque d’E. CUVILLIER rapportée au n. 20).

70 Cf A. GOUNELLLE qui propose « d’éviter toute formulation qui pourrait donner l’impression que le membre d’Église se définirait par l’accomplissement de certains rites » (Le membre d’Église, Dossier préparatoire aux synodes régionaux de 1994 et au synode national de l’ERF de 1995, Paris : ERF, p. 27). N’a-t-on pas là une radicalisation fantasmatique de la notion d’Église invisible ?

71 Cf art. cit., p. 18 s.

Since the time of the Reformation, infant baptism has been an issue of contention in intra-protestant debates. Claire CLIVAZ argues that these debates stem from a recurring difficulty in relating sola gratia and anthropology, on the one hand, and in recognizing without restriction the sacramental status of baptism, on the other hand. She also addresses the consequences of this tension for churches today and suggests some practical mesures for churches in the celebration of baptism for all ages.

p. 39-56

Auteur

CLIVAZ Claire
Claire CLIVAZ, théologienne et membre de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud, est chercheur à l'Institut romand des sciences bibliques et dirige le groupe Digital Humanities à l'Institut suisse de Bioinformatique à Lausanne.