« Guerre sainte » : une notion à questionner (Avant-propos)

Le présent dossier s’inscrit dans la continuité de la réflexion engagée l’an passé sur les liens entre religions monothéistes et violence(1). Il en reprend la thématique sous un angle différent et néanmoins complémentaire.

Les partisans des causes religieuses d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, ont souvent recours à leurs textes fondateurs afin de légitimer leurs actes. Des questions telles que la guerre juste, la mise à mort en cas de transgressions de tabous éthiques et religieux ou les pratiques guerrières à l’encontre des non- croyants (ou déclarés tels) se retrouvent au fondement de débats qui figurent déjà dans les textes bibliques. Dans certains cas, la réception des textes bibliques a parfois produit des effets aussi violents que leur narration l’avait laissé supposer. Après les grandes guerres du xxe siècle, les textes fondateurs ont été bien souvent expurgés de toute référence soupçonnée de légitimer les comportements violents. En établissant un canon restreint de textes bibliques – telle que chaque époque le fait d’ailleurs – les dirigeants et représentants théologiques des églises ont voulu façonner une identité croyante pacifique. Après la Deuxième Guerre mondiale, la communauté des croyants a donc cherché à aménager un espace pour la paix et la tolérance en écartant certaines narrations bibliques jugées inadéquates et violentes. L’Europe de l’après-guerre a fortement changé : le retour des nationalismes, la critique du relativisme et la mise en question d’une tolérance qui estompe les différences culturelles impriment leur marque sur les débats de la vie publique dans lesquels politique et religion se trouvent entremêlées. Un tel syncrétisme politico-religieux est aujourd’hui vivement critiqué, en particulier lorsqu’il s’agit de l’islam. Les autres monothéismes ne sont pas en reste et font également l’objet d’un certain mépris. Il nous a donc semblé urgent d’interroger le langage de la violence tel que les textes bibliques peuvent le mobiliser. Il est indispensable de remettre ces textes à l’épreuve d’une analyse critique de type historique et théologique, d’étudier leur contexte d’émergence et d’analyser leur impact (ou celui qui leur a été attribué) au cours de l’histoire.

(1) Dossier « Monothéismes et violence », Études théologiques et religieuses 93 (2018), p. 57-131.

« Holy War » : a Notion in Question (Foreword)

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p. 55-58

Auteur

BAUKS Michaela
Michaela BAUKS est professeur d'histoire de l'Ancien Testament et de religion à l'université de Coblence (Allemagne)..

NOCQUET Dany
Dany NOCQUET est doyen de la Faculté de théologie de Montpellier, où il enseigne l’Ancien Testament et membre du Centre de recherches interdisciplinaires en sciences humaines et sociales (CRISES – EA 4424).