Du droit au divorce aux droits des peuples : La logique politique miltonienne

En quoi les idées politiques de Milton découlent-elles de ses réflexions sur le divorce ? Christophe Tournu ramène le lecteur dans la France du XVIe siècle, à l’occasion de la naissance de l’analogie du mariage et du pouvoir royal. Milton ne considérait pas seulement le mariage d’un homme et d’une femme comme une métaphore pour signifier l’union d’un roi et de son peuple ; il concevait le lien matrimonial comme une relation contractuelle impliquant des devoirs spécifiques de la part de la femme, de même que la relation politique impliquait des devoirs spécifiques de la part du roi. Tout comme la femme a été créée pour le bien de l’homme, le roi a été créé pour le bien du peuple. S’il viole son engagement à le servir, il doit être destitué, comme doit l’être la femme si elle ne répond plus à ce pour quoi elle est devenue épouse ; le pouvoir politique revient au peuple, comme l’initiative du divorce ou d’un remariage éventuel revient au mari. Plus encore, lorsque Milton expose son programme pour « une libre République » en 1660, il veut dissuader le peuple anglais de restaurer le régime monarchique, parce qu’il l’a rejeté en 1649, comme Dt 24/1-4 interdit à l’homme de reprendre l’épouse qu’il a répudiée.

This paper purports to show how far Milton’s political beliefs could be regarded as the logical outcome of his reflections in his divorce pamphlets. The study leads us back to sixteenth-century France when the analogy of marriage and regal power first originated. The marriage of a man and a woman was not only for Milton a convenient metaphor for the union between a king and his people, but he thought of the matrimonial link as a contractual relation involving specific duties from the wife just as the political bond involved specific duties from the king. The wife was made for her husband just as the king was made for his people. If he broke his trust, he was to be repudiated, just as the woman, if she was no longer a meet help, was to be repudiated. The political power belongs to the people, just as the power to divorce and remarry belongs to the man. Furthermore, when Milton describes his platform for « a free Commonwealth » in 1660, he warns his people against restoring kingship, i.e. what they had put away, just as Dt 24/1-4 forbade a husband to remarry his former wife.

p. 37-60

Auteur

TOURNU Christophe
Christophe TOURNU est professeur en études anglophones à l'UR 4378 Théologie protestante à l'université de Strasbourg.