Ancien Testament

  • Ann JEFFERS, Magic and Divination in Ancient Palestine and Syria, (Studies in the History and Culture of the Ancient Near East 8), Leiden/New York/Köln : Brill, 1996. 25 cm. 277 p. ISBN 90 04 010513 1. $ 94,50.

La présente monographie est le fruit du retravail d’une thèse de doctorat menée à l’University College de Dublin sous la direction de K. Cathcart. L’objectif de cet ouvrage est de faire un tour d’horizon des pratiques magiques et divinatoires en Syrie-Palestine. L’enquête s’ouvre par une partie théorique portant sur la définition de la magie, une rapide histoire de la recherche et une partie méthodologique. Après cela, l’ouvrage se divise en 3 grandes sections. La 1re (chap. 2) traite des devins, des magiciens et plus généralement de toutes les personnes liées à la divination ; la 2e (chap. 3) traite des songes et des visions alors que la 3e (chap. 4) s’occupe des techniques divinatoires elles-mêmes.

Chaque sous-chapitre est traité de la même manière. L’entrée (par ex. `ish `êlohîm homme de dieu, kohen prêtre, nabi’ prophète, astrologie, nécromancie, teraphim, etc) est étudiée – lorsqu’elle s’y prête – d’un point de vue étymologique, puis les inscriptions syro-palestiniennes (sp. inscriptions ougaritiques, phéniciennes, Arslan Tash, stèle de Mésha et de Zakir) sont passées en revue avant que ne soient étudiées les attestations vétérotestamentaires. L’étude de la littérature biblique constitue clairement la problématique principale de l’ouvrage.

Les conclusions tirées de ce vaste panorama ne sont guère surprenantes. Les pratiques divinatoires et magiques ont fait partie intégrante de la vie sociale israélite – comme de celle de ses voisins – au moins jusqu’à l’époque de l’exil. Les leaders religieux autant que civils y ont probablement tous eu recours. Ces pratiques sont fondées sur le principe cosmologique de l’Orient classique selon lequel le monde terrestre entretient avec le monde céleste des correspondances symboliques. Le rejet vétérotestamentaire de la magie (Dt 18/9ss) à l’époque du deuxième Temple n’a pas permis de masquer l’existence antérieure de telles pratiques.

Cet ouvrage dresse un bon panorama des questions liées aux nombreuses pratiques magiques attestées dans l’AT. Vu le vaste champ d’investigation, on a cependant l’impression qu’entrée après entrée le travail ne dépasse guère le niveau de ce que l’on peut trouver facilement dans les concordances et les art. de dictionnaire. On regrettera en outre que la littérature akkadienne n’ait pas été prise en compte. Il n’en demeure pas moins que ce livre constitue désormais une référence importante pour l’étude de la magie et de la divination dans l’AT.

L’ouvrage se termine par une abondante bibliographie et deux index (auteurs, textes cités).

Jean-Daniel MACCHI

 

  • Philip R. DAVIES – Volkmar FRITZ (éd.), The Origins of the Ancient Israelite States (JSOT Supp. 228), Sheffield : Academic Press, 1996. 24 cm. 219 p. ISBN 1-85075-629-5. rel. $ 49 / br. $ 19,95.

La question de l’origine historique d’Israël et son rapport avec l’Israël biblique préoccupe depuis bien des années historiens et biblistes. Il est aujourd’hui communément admis que le portrait de la période prémonarchique que permettent de tracer les travaux archéologiques s’écarte d’une manière assez radicale du récit biblique. L’époque de la monarchie ancienne – en tant que lieu d’émergence d’un « État » israélite – est dès lors la plus ancienne période où l’on puisse envisager qu’historiographie biblique et histoire s’accordent. Le livre sous recension, fruit d’un colloque de l’Institut protestant allemand d’archéologie à Jérusalem, permet de se faire une idée assez précise du débat sur cette période charnière.

La première partie de l’ouvrage est consacrée à des questions méthodologiques. T. THOMPSON critique sèchement les thèses de William Dever, l’archéologue bien connu, auquel il reproche de fonder son histoire sur les textes bibliques. Selon T., ces textes ne peuvent être lus comme des témoignages historiques mais seulement comme le résultat des regards idéologiques portés sur le passé par leurs auteurs. Une option très critique donc sur la valeur historique du texte biblique. À l’opposé des thèses de T., B. HALPERN considère le récit de la constitution de l’État davidique (2 S 8) comme une source historique relativement fiable. Il le compare aux display inscriptions proche-orientales classiques, un type de texte qui, tout en classant les événements de manière thématique et ayant tendance à exagérer certains éléments du récit, retrace en général des événements historiques.

La 2e partie de l’ouvrage rassemble des contributions consacrées aux aspects d’organisation sociale de l’État israélite ancien. C. SCHÄFER-LICHTENBERGER s’interroge sur la notion d’État. Elle considère, sur la base des données archéologiques de cette région et en dépit du manque d’inscriptions royales judéennes des Xe et IXe s., que l’on aurait tort de conclure à l’absence d’État durant cette période. En effet, les données sur le royaume de David seraient caractéristiques d’une période de constitution d’État. N. P. LEMCHE, tout en s’intéressant lui aussi à la notion d’État, conclut dans un sens contraire, puisqu’il considère que même à partir des témoignages bibliques il n’y a pas lieu de parler d’État pour le Xe s. judéen. L’art. de D. HOPKINS termine cette partie du livre en s’intéressant à la façon d’analyser la vie économique à partir des données archéologiques judéennes (surtout les tombes).

La 3e partie du recueil présente une série d’art. consacrés aux sources bibliques et archéologiques relatives aux trois souverains fondateurs, Saül, David et Salomon. D. EDELMAN traite de la figure littéraire de Saül modelée et corrigée par l’historiographe dtr sur la base de sources antérieures folkloriques, de deux listes, de l’histoire sous-jacente à 1 S 9-10, ainsi que d’un récit traditionnel du Nord. Selon elle, le Saül historique fut certainement un roitelet de Gibéon dont la date – antérieure à Jéroboam I – ne peut être établie avec certitude. G. AULD défend quant à lui une thèse relativement révolutionnaire selon laquelle les Chroniques ne dépendraient pas de S-R mais que les deux historiographies dépendraient d’un récit antérieur déjà postexilique. N. NA’AMAN traite des sources utilisées par l’historiographie dtr pour le règne de David. Il défend une position à la fois prudente et conservatrice puisqu’il considère qu’il n’est pas exclu que des textes proches des événements aient pu exister. V. FRITZ reprend et soutient la thèse classique – mais aujourd’hui fortement contestée – d’une réurbanisation à l’époque salomonienne sur la base des « évidences » archéologiques de Kinneret, Hazor, Megiddo et Gezer. Finalement une contribution de W. DIETRICH est consacrée à la question du herem à l’époque monarchique ancienne.

Par leurs diversités, les contributions contenues dans ce vol. permettent au lecteur de se faire une idée un peu plus précise des défis lancés tant aux historiens qu’aux archéologues et aux biblistes par l’époque de la monarchie ancienne. Le lecteur appréciera en outre les index finals, mais regrettera l’absence d’une bibliographie générale.

Jean-Daniel MACCHI

 

  • William MCKANE, A Critical and Exegetical Commentary on Jeremiah, vol. 1, (ICC), Edinburgh : T&T Clark, 1986. 21 cm. 658 p. ISBN 0-567-05042-4.

Alors qu’a récemment été publié le vol. 2 du commentaire de W. McKane sur Jérémie, on peut saluer ici la réimpression sans modification du premier volume. Ce commentaire est extrêmement précieux en raison de sa qualité philologique. Rappelons que M. y défend l’idée que le livre de Jr a évolué sur une longue période à partir d’un ensemble d’éléments jérémiens à la manière d’un rolling corpus. Réagissant contre des thèses supposant l’existence d’une vaste rédaction dtr du livre (notamment W. Thiel), M. estime qu’il n’y a pas eu de stratégie rédactionnelle globale sur l’ensemble de l’oeuvre, mais que les ajouts se sont faits au coup par coup sur tel ou tel passage. L’intérêt de cette approche tient au fait qu’elle est très attentive aux indices diachroniques contenus dans les détails du texte. Nous doutons cependant fort qu’un livre ait été retouché de manière aussi continue et éclatée et préférons des modèles qui, tout en se fondant aussi sur les détails du texte, cherchent à en reconstituer les grandes étapes rédactionnelles. On peut d’ailleurs signaler que, contre l’avis de M., les plus du texte massorétique semblent bien former une rédaction cohérente (cf H-J Stipp, Das masoretische und alexandrinische Sondergut des Jeremiabuches : textqeschichtilcher Rang, Eigenarten, Tiebkräfte (OBO 136), Fribourg/Göttingen : Universitätsverlag/Vandenhoeck & Ruprecht, 1994).

Jean-Daniel MACCHI

 

  • A. A. MACINTOSH, A Critical and Exegetical Commentary on Hosea, (ICC), Edinburgh : T&T Clark, 1997. 21 cm. 704 p. ISBN 0 567 08545 7.

Ce commentaire du livre d’Osée remplace, dans la célèbre collection International Critical Commentary, l’ancien commentaire de W. R. Harper (1905). Dans la tradition des ICC, ce commentaire est extrêmement précis et détaillé. Il accorde en outre une large place aux questions d’ordre philologique ainsi que de critique textuelle.

Parmi les nombreux aspects originaux de ce travail, on relèvera que M. s’interroge sur la langue réputée difficile d’Os. Il considère que ce prophète reflète un état de la langue hébraïque nordiste qui cependant aurait été « standardisée » par les Judéens qui transmirent le texte oséen. C’est pour cette raison que, selon l’a., les grands traits syntaxiques caractéristiques de l’hébreu du Nord ne sont pas attestés chez Os. Une série de traits de vocabulaire inhabituels témoignent néanmoins de la spécificité nordiste de la langue oséenne. Aux p. 585-593 figure un utile appendice sur le vocabulaire d’Os.

Concernant le processus rédactionnel d’Os, M. défend le caractère oséen de presque l’ensemble du livre. Il distingue cependant en son sein plusieurs étapes. Durant une période de ministère « oral », le prophète aurait critiqué le syncrétisme sous Jéroboam II, les circonstances de l’accession au trône de Peqah, les alliances d’Ephraïm avec l’étranger et aurait considéré la guerre syro-éphraïmite comme la conséquence du jugement de YHWH. Après cette période, Osée aurait rédigé lui-même ses propres oracles, les agrémentant de quelques méditations personnelles. De cette phase émane l’essentiel des chap. 2 et 4 à 8. Les chap. 9 à 14 résultent d’un travail de réflexion ultérieur d’Os reprenant les thèmes de sa prédication publique à la lumière des événements qui marquèrent le déclin d’Israël (entre 733-722). Durant une troisième phase, Os rend compte théologiquement de sa biographie matrimoniale, ce qui permettra à un disciple (ou à lui-même) de rédiger les chap. 1 à 3 sur la base d’éléments antérieurs contenus aux chapitres 2* et 3*.

Après la chute de Samarie en 722, le livre d’Osée est rapidement transmis dans le Sud judéen. Il bénéficie, au cours du VIIe s., d’une rédaction proche des milieux deutéronomiques josianiques qui l’adaptent aux circonstances nouvelles (sp. 1/7, 3/5, 4/5, 15, 5/5, 6/11, 9/4, 10/11, 11/10, 12/1, 3) et le munissent d’un titre (1/1) ainsi que d’un épilogue (14/10). C’est peut-être aussi durant cette période que la langue a été standardisée. Signalons encore que M. considère qu’il existe encore quelques gloses exiliques et postexiliques.

En dépit de l’extrême qualité de ce travail, on peut émettre quelques réserves. Tout d’abord, pas moins de trois étapes rédactionnelles (auxquelles on peut encore ajouter le ministère oral du prophète) sont discernées dans le livre. Le fait que ces trois strates soient attribuées à différents moments de la vie du même personnage (Osée) reste sujet à caution. La notion d’école oséenne nous semblerait plus pertinente. À propos du chap. 12, on peut en outre se demander si M. n’a pas tort de négliger le regard fondamentalement polémique posé par Os 12 sur le personnage de Jacob (à ce propos, voir A. de Pury, « Osée 12 et ses implications pour le débat actuel sur le Pentateuque », in P. Haudebert (éd.), Le Pentateuque. Débats et recherches. XIVe congrès de l’ACFEB, Angers (1991), (LD 151), Paris : Cerf, 1992, p. 172-207).

Relevons finalement que le commentaire est muni d’une bonne bibliographie, d’une longue introduction (LI-XCVII), d’un tableau des événements historiques en rapport avec le ministère d’Os (XCVIII-XCIX), d’un excursus sur son mariage (113-126), de l’appendice relatif au vocabulaire d’Os et de deux index (auteurs et sujets).

Jean-Daniel MACCHI

 

  • Aaron SCHART, Die Entstehung des Zwölfprophetenbuchs. Neubearbeitungen von Amos im Rahmen schriftenübergreifenden Redaktionsprozesse, (BZAW 260), Berlin/New York : Walter de Gruyter, 1998. 23 cm. XII-342 p. ISBN 3-11-016078-1. DM 178.

Cette thèse d’habilitation (Marbourg) sur la formation du livre des Douze (petits) prophètes est tout à fait remarquable par la maîtrise du sujet et la clarté de l’exposition.

L’introduction (1-30) offre un excellent résumé de la recherche récente sur le Dodekapropheton, le 4e rouleau des « Prophètes postérieurs » de la Bible hébraïque, dont les sciences vétérotestamentaires commencent à découvrir une certaine cohérence en tant que livre, bien qu’il soit composé de recueils hétérogènes, d’auteurs et d’époques variés. Cette cohérence ne peut être due qu’à un travail rédactionnel successif et complexe, qui s’étend sur plusieurs siècles. Le but de l’a. est donc de proposer un modèle rédactionnel sur la formation du livre des Douze qui, sans occulter la spécificité de chaque écrit, rende compte des différentes étapes de ce travail rédactionnel, travail dont l’intention est de relier ces écrits les uns aux autres pour faire ressortir toute la richesse du discours prophétique (réarrangement successif des textes en fonction de l’ensemble, etc).

L’étude assez classique des suscriptions de chaque écrit (31-48) conduit l’a. à proposer cinq phases rédactionnelles. Une rédaction proche de la tradition « deutéronomiste » (l’a. est prudent) aurait réuni en un corpus propheticum les recueils d’Osée et d’Amos, qui annoncent la chute de Samarie, à ceux de Michée et Sophonie, qui prédisent celle de Jérusalem. Ce corpus aurait été plus tard enrichi par les écrits de Nahoum et d’Habaquq, puis, après l’exil, par ceux d’Aggée et de Zacharie 1-8 (13 ?), plus tard encore par ceux de Joël et d’Abdias, et, étape finale, par les recueils de Jonas et Malachie. À chaque phase de cette formation, l’ensemble du corpus reçu aurait été « relu » dans une perspective théologique proche de celle des recueils ajoutés. Chaque recueil garderait donc des traces de ces relectures successives.

C’est logiquement sur l’écrit le plus ancien des Douze, celui d’Amos, que l’a. vérifie son hypothèse. Pour ce faire, il dégage les textes véritablement amosiens de leurs éléments secondaires (50-100 : critique littéraire). Ses résultats sont proches de ceux auxquels ont abouti H.-W. Wolff (BK XIV/2, 1969) et Jörg Jeremias (ATD 24/2, 1995). Avant la chute de Samarie, un compilateur aurait réuni des « paroles d’Amos de Teqoa » (Am 3-6*). Après la chute de la capitale du royaume d’Israël, d’autres traditions authentiquement amosiennes y auraient été jointes (le cycle des oracles contre les nations Am 1-2* et le cycle des visions Am 6-9*). Parmi les éléments secondaires de l’écrit amosien, l’a. distingue différentes strates rédactionnelles : des textes proches de la tradition deutéronomiste (Am 1/1*, 2, 9-12 ; 2/4-5, 10-12 ; 3/1b, 7 ; 4/6-11* ; 5/11, 25-26* ; 8/4-7, 11-12 ; 9/7-10*), des éléments hymniques (Am 4/13, 5/8, 9/6), des prophéties de salut (Am 9/11, 12b, 13aα, 14-15) et des passages eschatologiques (Am 9/13aβb, 4/9, 9/12a).

Plus originale est l’étude de la formation du livre d’Am avant son intégration dans le corpus propheticum « dtr » (101-155). J. Jeremias (1995/1996) avait dégagé un phénomène dintertextualité entre les livres d’Os et d’Am (cf ETR 1999, 430). Il en déduisait que les compilateurs du recueil d’Am avaient dû connaître les traditions oséennes. L’a. approfondit l’étude des liens entre les deux écrits et conclut que les phénomènes observés s’expliquent mieux par l’hypothèse selon laquelle un seul et même cercle aurait édité sur un seul rouleau les deux écrits d’Os et d’Am comme double témoignage, pour les Judéens, de l’authenticité du message prophétique de jugement, peut-être en liaison avec les réformes d’Ezéchias ou de Josias. Ce double écrit serait la matrice du livre des Douze. Le livre, selon l’a., doit être lu en respectant l’enchaînement de ses séquences, en commençant donc avec Os 1.

L’a. poursuit sa recherche en étudiant l’une après l’autre les textes des cinq strates rédactionnelles mentionnées plus haut pour déceler les attaches qui unissent les différents écrits du corpus.

Ainsi il propose une analyse très détaillée de l’édition « dtr » du livre qui contient les écrits d’Os, Am, Mi et So (156-233). Les passages attribués généralement à la rédaction dtr (thèmes : l’histoire, l’exode, le rôle des prophètes, la critique du culte en dehors de Jérusalem) présentent des affinités avec des éléments rédactionnels en Os, Mi (6/2-16* en particulier) et So, ce qui permet de formuler des hypothèses sur la restructuration du corpus et sur l’intention théologique du rédacteur.

La phase rédactionnelle qui a intégré les livres de Na et d’Ha (234-251) est caractérisée par le thème de la création. Elle a laissé son empreinte dans les passages hymniques ou théophaniques du recueil : Os 4/3, 12/6 ; les éléments hymniques d’Am mentionnés plus haut ; Mi 1/3-4 ; Na 1/1*, 4b ; Ha 1/1* ; So 1/2-3.

Les oracles de salut (tels Os 14/5-9, Am 9/11-15, Mi 2/12-13, Na 2/1) témoigneraient d’une nouvelle édition du corpus lors de la phase d’intégration des livres d’Ag et de Za (252-260).

L’adjonction des écrits de Jl, placé avant Am, et d’Ab (261-282) n’est pas associée à une rédaction aussi abondante des autres écrits du corpus (voir cependant, selon l’a., Na 3/15-16*, Ha 3/16b-17, So 3/9-10 et Za 14), mais elle modifie en fait assez radicalement la lecture du maintenant « livre des Dix ». Le thème joëlien de l’avènement du jour de YHWH prend en effet un tel relief qu’il transforme la lecture des prophéties en général, de celles d’Am en particulier. Car ce thème atténue les références aux événements historiques (chute de Samarie, chute de Jérusalem, exil) au profit d’un événement eschatologique à venir, ce qui favorise une actualisation des oracles de jugement pour les lecteurs postexiliques.

La dernière phase inclut le récit de Jon et les oracles sous forme de discussions de Ml (283-303), deux écrits qui remplissent peut-être une fonction critique dans l’ensemble, le premier en rappelant que YHWH peut manifester sa miséricorde aussi envers les Nations, le second que, dans l’attente du jour de YHWH, le peuple doit vivre en observant la Torah. Ml 3/22-24 clôt à la fois le livre des Douze et la deuxième partie du canon hébraïque, les Prophètes, en la reliant à sa première partie, la Loi.

La monographie, dont notre recension ne peut rendre compte de la richesse des observations judicieuses sur les liens entre les différents écrits du livre des Douze, se termine par un résumé, deux brefs appendices, une bibliographie et un index des passages bibliques (304-342). L’a. reste assez imprécis, faute d’indices suffisants, sur les dates des différentes phases rédactionnelles.

Deux questions pour conclure : 1/ L’hypothèse d’une première édition commune des écrits d’Am et d’Os en Juda ne devrait-elle pas conduire à une révision plus profonde de l’hypothèse plus ancienne (W. H. Schmidt 1969) d’une rédaction dtr d’Am ? Ainsi Os critique les hauts-lieux et se réfère à l’exode. L’influence d’Os sur la première édition ne peut elle pas rendre compte en partie de la présence de ces thèmes dans l’écrit d’Am ? 2/ L’hypothèse d’un livre des Douze au sens fort du terme bute sur le fait que ce livre n’a pas de titre propre. Si le recueil d’Os commence en effet par « commencement des paroles », il précise bien qu’il s’agit de celles d’Osée (1/2). Par ailleurs, l’ordre des écrits de ce livre varie sensiblement selon les traditions (LXX, Qumrân). Sans nier la valeur heuristique du modèle rédactionnel que propose l’a. pour expliquer les liens réels qui unissent les différents écrits, est-il vraiment indispensable de lire les Douze comme un livre ?

Jean Marcel VINCENT

 

  • Burkard M. ZAPFF, Redaktionsgeschichtliche Studien zum Michabuch im Kontext des Dodekapropheton, (BZAW 256), Berlin/New York : Walter de Gruyter, 1997. 23 cm. 342 p. ISBN 3-11-015764-0. DM 184.

L’a., dont la thèse de doctorat sur Es 13 et la composition du livre d’Ésaïe (FZB 74, 1995) avait déjà révélé la compétence, voire la virtuosité dans le domaine de la critique littéraire et rédactionnelle, s’attaque, dans cette thèse d’habilitation, à l’histoire rédactionnelle du livre de Michée. Une brève introduction résume l’état de la recherche. L’a. considère comme acquis que la 1re partie du livre (Mi 1-3 – sauf 1/2, 2/12s et 3/11ab) peut être attribuée au prophète judéen du VIIIe s. et que certains passages des chap. 4-7 sont de l’époque qui a de peu précédé l’exil babylonien (Mi 4/9s, 5/9b-13, 6/1-16, 7/1-4a, 5s). Le reste (chap. 4-5* et 7*) serait de l’époque exilique et post-exilique. C’était en gros la position de B. Renaud en 1977 (cf ETR 1979, 467s) et de H. W. Wolff en 1982 (cf ETR 1983, 554). L’a. est parfaitement au courant de la recherche surtout américaine qui depuis, par une approche plus synchronique et holistic que diachronique des textes, insiste au contraire sur l’unité foncière du livre (voir par ex. le commentaire de D. H. Hillers recensé in ETR 1985, 611). Il pense cependant que cette unité finale réelle est le produit d’un processus extrêmement complexe. C’est à la genèse de cette unité qu’il consacre la présente étude. Pour ce faire, il reprend à nouveaux frais (critique textuelle et littéraire, étude des lexèmes, fonction du passage étudié dans son contexte proche et lointain) l’interprétation des passages considérés comme exiliques-postexiliques : Mi 2/12s (p. 15-40), 4/6s en rapport avec le chap. 4 (41-86), 5/6s en rapport avec le chap. 5 (87-127) et chap. 7 (128-236). Il ne peut être ici question de rendre compte des détails de l’exégèse. La très longue étude du chap. 7 est certainement la plus originale du livre. L’a. se montre d’ailleurs ici beaucoup moins excessif dans son morcellement du texte puisqu’il ne distingue que deux entités : le texte de l’époque préexilique (7/1-4b, 5s) et son interprétation de type « scribal » en 7/4b, 7-20.

Le modèle rédactionnel proposé par l’a. est finalement étonnamment simple, sinon convaincant. Tous les passages analysés (Mi 1/2 [262-268], 2/12s, 3/11ab, 4/6s, 5/6-9a, 14 et 7/4b, 7-20, auxquels il faut ajouter 4/1-4, que le rédacteur aurait repris d’Es 2/2-4 en le modifiant quelque peu) seraient le produit d’un même projet rédactionnel, dans le cadre de ce qu’on appelle, dans l’école d’O. H. Steck, schriftgelehrte Prophetie (prophétie de type littéraire, « scribal », qui réinterprète et actualise des textes anciens), et cela peu de temps avant la canonisation finale des textes prophétiques.

Dans sa forme finale le livre contient deux cycles. Le premier (Mi 1-5) a pour thème la restitution, après le jugement, de Sion et l’intégration des Nations dans l’action salvatrice de YHWH. La préoccupation du second cycle (Mi 6-7) est différente : « Comment Sion affligée expérimentera la force transformatrice des oeuvres merveilleuses de YHWH en recevant la parole prophétique et par là-même le pardon de ses fautes » (240).

Il ne s’agit alors plus d’une rédaction exilique-postexilique de Mi 1-3, comme l’entendaient Renaud ou Wolff, car selon la conception de l’a. deux siècles et demi séparent le retour de l’exil (environ 520) de cette rédaction de l’époque ptoléméenne (vers 250 av. J-C). On s’étonne que l’a. souligne la « créativité » de la communauté postexilique dans sa réactualisation des traditions prophétiques (295). L’usage du terme « postexilique » n’est-il pas abusif ? 330 ans sépareraient la fixation quasiment canonique de l’ancien recueil de Michée (dont le passage le plus récent, 4/9s, 14, serait d’environ 587) de la vaste rédaction envisagée par l’a. !

Mi 4/5, 8 ; 5/1-5 feraient partie de trois différentes couches rédactionnelles encore plus récentes (entre 250 et 200).

La dernière partie du livre est consacrée à « la position du livre de Michée dans le Dodekapropheton » (241-279). Les études vétérotestamentaires récentes sont en effet renouvelées par des recherches fort intéressantes sur la formation progressive du livre des Douze petits prophètes (voir en particulier les deux thèses de J. Nogalski publiées dans BZAW 217 et 218 en 1993), formation qui ne semble pas être sans lien avec celle du livre d’Ésaïe (voir la thèse d’E. Bosshard 1995, publiée dans OBO 157 en 1997). Résumons la position originale de l’a. : les trois livres de Jonas, Michée et Nahoum ont en commun le thème de la relation d’Israël, voire de YHWH, avec les Nations. Jonas narre la conversion de Ninive, Nahoum sa destruction. La rédaction michéenne prendrait une position intermédiaire, différenciant entre les Nations qui se convertissent et celles qui ne le font pas. L’a. pense que c’est le rédacteur du livre de Mi lui-même qui a retravaillé et le livre de Jon en y ajoutant surtout le fameux psaume (Jon 2/3-10) et celui de Na en modifiant le contenu du poème acrostique (Na 1/2-8).

La thèse fourmille d’observations judicieuses que la recherche devra prendre en considération. Mais les conséquences, tantôt d’une extrême complexité, tantôt d’une déroutante simplicité, que l’a. en tire, sont dépendantes d’une telle masse de présupposés exégétiques et herméneutiques (à commencer par la thèse que les prophètes préexiliques auraient annoncé exclusivement des paroles de jugement) que le recenseur reste perplexe.

Jean Marcel VINCENT

 

  • Edgar W. CONRAD, Zecharia, Sheffield : Academic Press, 1999. 23 cm. 220 p. ISBN 1-85075-899-9. £ 35. (rel.)/13,75 (br.).

Les commentaires sur Za 1-8 et 9-14 abondent (S. Amsler et A. LaCocque, CAT, 1981, 19882 ; R. L. Smith, WBC, 1984 ; D. L. Petersen, OTL 1984 et 1995 ; R. J. Coggins, OTG, 1987 ; A. Deissler, NEB, 1988 ; C. L. et E. M. Myers, AB, 1987 et 1993 ; H. Graf Reventlow, ATD, 1993 ; R. Hanhart, BK, 1998). L’exégète australien (University of Queensland) ne les ignore pas, mais propose une lecture originale des textes. Une assez longue introduction en clarifie les présupposés. À la différence de ses prédécesseurs, l’a. ne cherche ici ni à restituer le message original du prophète dans son cadre historique, ni à reconstruire l’histoire de la rédaction du livre. Il doute en effet que nous ayons à notre disposition les éléments nécessaires pour aboutir à des résultats assurés dans ces domaines. Et puis, ne faut-il pas considérer dans l’ensemble les textes bibliques comme des créations littéraires tardives ? Son intérêt se porte donc exclusivement sur le texte comme document littéraire – non comme document historique.

Ce document littéraire est l’écrit de Za (sans distinction aucune entre les chap. 1-8 et 9-14), et, plus exactement, le livre des Douze dont Za ne forme qu’un élément. L’a. rend compte de l’unité et de la diversité des Douze par la comparaison avec une composition picturale faite d’éléments collés sur une toile (là encore aucun intérêt pour l’origine ou la préhistoire de ces éléments). Cette comparaison avec un collage lui permet de prendre en compte une autre donnée de la critique littéraire contemporaine : le lecteur joue un rôle dans la configuration du texte, il participe à la construction de sa structure. C’est pourquoi l’a. évite le terme de « commentaire ». Il propose une lecture de Za.

Cette lecture est subjective, mais non arbitraire et incohérente. Elle est fondée essentiellement sur des observations concernant le rôle des prophètes et des messagers de Dieu dans cet ensemble littéraire (voir déjà l’article de l’a. in JSOT 73, 1997, 65-79). À cet égard, « les Douze » se laisse diviser en deux parties. D’Os à So les « éléments » sont datés (donnée littéraire, non historique) de l’époque de l’ascension du pouvoir assyrien ; il y est question de prophètes (le terme « messager/ange » n’est utilisé qu’en Os 12/4) dont le rôle est vu tantôt positivement tantôt négativement (la réponse d’Am en 7/14 serait volontairement ambiguë : « je ne suis pas/je n’étais pas prophète »). D’Ag à Ml les écrits sont datés de l’époque perse ; le terme prophète s’y applique maintenant clairement aux vrais prophètes du passé dont la parole s’est réalisée (Dt 18 – phénomène d’intertextualité et non rédaction deutéronomiste). On assiste alors à une assimilation du prophète au messager.

Le prophète Aggée est nommé « messager » en Ag 1/13 ; et agit en tant que tel en Za 3/1-6 (hypothèse de l’a.). Quant à Zacharie, son statut d' »envoyé » est appuyé en Za 2/13, 15, 4/9. De simple contemplateur de scènes où interviennent des anges, il devient progressivement lui-même un messager qui n’a plus besoin d’intermédiaire/interprète. Finalement on assiste à une disparition des prophètes (Za 13) au profit du seul messager de Dieu (Ml), qui n’est pas un être angélique, mais un prophète de type différent.

L’a. fait jouer à Os 12/4-6 un rôle capital dans sa lecture de Za et des Douze. Il découvre un écho du nom même de Za, le prophète-messager, en Os 12/6b (« YHWH est son souvenir » – voir Ex 3/15). Le messager d’Os 12/5 (Jacob lutta avec un messager à Béthel : « Et c’est là qu’il nous a parlé ») est mis en relation avec le prophète-messager mentionné en Za 7/2ss qui répond aux questions posées par des gens venus de Béthel. La réponse d’Am 7/14, le prophète envoyé à Béthel, est reprise sans ambiguïté par les prophètes qui n’ont plus de légitimité une fois le rôle de porte parole attribué au messager : « je ne suis pas un prophète, je suis un paysan » (Za 13/5). L’a. en conclut : « À l’époque de la construction du Temple, le Seigneur est présent dans la communauté comme il l’était à l’époque du patriarche Jacob » (41). Le Temple et le messager seraient devenus l’équivalent de l’immédiateté de la présence de Dieu.

Une lecture synchronique et purement littéraire permet ainsi de relier des passages que la méthode historico-critique avait tendance à trop dissocier. C’est l’intérêt de cette lecture. On aimerait cependant en savoir davantage sur la conception de l’a. concernant l’origine de ce « collage » des Douze. Ici et là affleure un élément de réponse : l’affirmation du pouvoir universel de Dieu par Ag et Za cacherait en réalité la revendication d’un pouvoir tout humain (22). Et la conception du monde proposée par ceux qui parlent par Ag et Za serait en conflit avec celle des prophètes et des prêtres de la communauté restaurée. Cette critique idéologique, trop peu précise, informe évidemment la lecture de l’a.

Certaines interprétations semblent forcées : En Za 1/1 est-ce bien le grand-père Iddo et non Za lui-même qui est désigné comme prophète ? Za 13/2-6 annonce-t-il la fin de la prophétie en soi ou la fin de la prophétie mensongère ? En Za 7/2 Béthel est-il un nom de lieu ou un élément du nom de la personne ? Le texte de Za doit-il être toujours mis en relation avec la construction du Temple ? La traduction d’Os 12/4-6 reste controversée.

Jean Marcel VINCENT

 

  • Thomas RÖMER, Dieu obscur. Le sexe, la cruauté et la violence dans l’Ancien Testament, (Essais bibliques 27), Genève : Labor et Fides, nouvelle édition augmentée 1998. 21 cm. 136 p. ISBN 2-8309-0824-4.

Preuve que ce petit livre répond a un réel besoin : une 2e édition suit de près la 1re (cf ETR 1996, 587). L’a. a eu raison de compléter son dossier par une interprétation de Gn 4 (Caïn et Abel) et de quelques psaumes de vengeance (137, 137, 58) dans un nouveau chap. intitulé « Dieu est-il violent et vengeur ? » Comme dans le reste du livre, le lecteur y découvre des positions originales qui font réfléchir. Ainsi la proposition de considérer Gn 4/1-26 (et non 1-16 seulement) comme ensemble signifiant ou celle d’envisager la réponse de Caïn « suis-je le gardien de mon frère ? » comme expression de désarroi : « comment pourrai-je être le gardien de mon frère ? »

Jean Marcel VINCENT

 

  • Renate EGGER-WENZEL, Von der Freiheit Gottes, anders zu sein. Die zentrale Rolle der Kapitel 9 und 10 für das Ijobbuch, (FZB 83), Würzburg : Echter, 1998. 24 cm. 324 p. ISBN 3-429-01933-8. DM 48.

Cette thèse remarquable offre une analyse très serrée, quasiment exhaustive, du troisième discours de Job (chap. 9s) : critique textuelle (aucun changement du texte massorétique ne s’impose), critique littéraire (intégrité du texte), analyse stylistique, exégèse verset par verset avec des excursus entre autres sur les éléments mythologiques en Job 9/5-10 (hymne participial qui souligne la distance entre Dieu et l’être humain). Mais le but que poursuit l’a. est de démontrer que ces chap. jouent un « rôle central » pour la compréhension de l’ensemble du livre, dont la pointe est que « Dieu est libre d’être autre » (cf le titre). Pour ce faire, l’exégète autrichienne étudie d’une part le champ sémantique des termes clés des chap. 9s – essentiellement « juste », « méchant » et « intègre (tâm) » (29-119 !) – en relation avec toutes leurs occurrences dans le livre, d’autre part « la symbolique des termes lumière et ténèbres dans le contexte du livre » (120-150).

L’a. a certainement raison de relever la fonction stratégique des v. 2/21 et 24 du chap. 9. Elle relève que Job ne se nomme jamais lui-même « juste », car « comment l’homme serait-il juste devant Dieu ? » (v. 2). Job a en revanche l’assurance qu’il sera justifié (13/18), ce qui est tout autre chose : cette justification ne peut venir que de Dieu ! Il proteste cependant de son innocence (9/21 : « Je suis intègre » – terme qui relie les discours au prologue ; les traductions sous forme d’interrogation rhétorique de la Colombe, de la TOB et de la BJ doivent être abandonnées), rejetant le verdict des « amis » (comme plus tard d’Elihou) qui voient dans cette protestation même la preuve de sa « méchanceté ». Job aussi a la conviction que Dieu est bien la cause dernière de sa situation malheureuse. D’où sa détresse. Et ce n’est pas l’absence de Dieu qui provoque la plainte de Job, comme on le lit parfois, mais bien la présence de Dieu comme ennemi : Dieu voit, mais ne rétablit pas le malheureux dans son droit ; il semble alors donner raison au verdict des « amis ». D’où l’accusation terrible, pour provoquer Dieu à réagir : « La terre a été livrée au main d’un Méchant » (9/24 – la traduction lénifiante au pluriel de la Colombe et de la TOB n’est pas correcte). L’épilogue présente finalement Job comme un authentique serviteur de Dieu en ceci que, dans sa détresse, il s’est efforcé « d’entrer en relation vivante avec lui » (293).

L’a. conclut de façon assez classique que le but du livre de Job est de démontrer que Dieu est souverain et libre dans son action, qu’il n’est nullement lié aux constructions éthiques de la sagesse israélite traditionnelle avec sa doctrine figée de la rétribution des justes et des méchants.

Je me demande s’il ne faut pas réviser ce modèle consensuel d’une opposition entre Job et la sagesse israélite traditionnelle. Faut-il vraiment voir en Job une sorte d’intellectuel qui s’insurge et remet en cause cette sagesse ? Les  » amis » et leur doctrine de la rétribution autant que Job lui-même ne sont-ils pas plutôt des caractères mis en scène pour exposer la sagesse israélite authentique telle qu’elle s’enseignait dans les écoles de sagesse ? À mon sens, il n’y a pas ici opposition, mais exposition.

La belle monographie est évidemment accompagnée d’une liste des abréviations, d’une abondante bibliographie (on regrettera l’absence de la monographie magistrale de Jean Lévêque, Job et son Dieu, 1970) et d’un index des très nombreuses citations bibliques.

Jean Marcel VINCENT

 

  • Jean-Marc BABUT, Les expressions idiomatiques de l’hébreu biblique. Signification et traduction. Un essai d’analyse componentielle, (Cahiers de la Revue Biblique 33), Gabalda : Paris 1995. 24 cm. 283 p. ISBN 2-85021-080-3. FF 230.

L’a. ouvre sa remarquable étude par un constat valable pour les expressions idiomatiques de toutes les langues : « l’hébreu biblique […] possède aussi des séquences récurrentes, qu’une traduction mot à mot ne saurait rendre de façon satisfaisante » (11). C’est portant la démarche que les traducteurs de la Bible favorisent en général sans se rendre compte qu' »il ne devrait pourtant pas y avoir de honte à le reconnaître : l’hébreu biblique recèle encore nombre de mystères à élucider » (12). Sa méthode d’investigation adoptée est celle de l’analyse componentielle, qui n’a été appliquée jusqu’à présent qu’à des unités lexicales simples. Dans l’introduction, B. manifeste ses préférences pour la terminologie linguistique en mentionnant les travaux de jeunesse de Greimas, P. Guiraud, E. A. Nida et J. de Waard ainsi que B. Pottier. Malgré ces travaux antérieurs, il considère son champ de travail comme « terrain encore presque vierge, méthode nouvelle d’investigation : on ressent l’impression de s’aventurer dans une sorte de no man’s land, où les chausse-trapes ne manquent pas, qui jouxte des territoires […] des sciences bibliques d’abord, de la linguistique ensuite, essentiellement de la sémantique, sa branche la moins explorée, mais aussi de la lexicographie, de la rhétorique […] voire de la stylistique » (19 s). Bref, c’est dans une recherche pluridisciplinaire de très haut niveau que l’a. se lance.

Dans le 1er chapitre (20-59) traitant de « Définitions et Inventaire », il fournit une liste des séquences récurrentes qu’il a retenues comme expressions idiomatiques après une réflexion méthodologique (42-57) en classant selon l’ordre alphabétique 138 mots pivots. Dans le chap. 2 (60-68), il présente sa méthode, l’analyse componentielle « qui table sur le fait que le sens d’une unité sémantique résulte d’une combinaison d’éléments de signification qu’on appellera ici composants sémantiques » (60). Il y a deux types de composants sémantiques : les communs et les distinctifs. Les unités sémantiques qui ont des composants communs forment un ensemble qu’il appelle « domaine sémantique » (62) ; pour les composants distinctifs, il faut s’assurer qu’il s’agit des termes comparables sur le plan synchronique, c-à-d qu’ils appartiennent au même état de langue. L’analyse componentielle se déroule en quatre grandes étapes : 1/ délimitation d’un corpus à l’intérieur duquel on est assuré qu’il s’agit du même état de langue ; 2/ délimitation du contexte et du domaine sémantique dans lesquels apparaît l’expression étudiée ; 3/ comparaison terme à terme concernant la présence et l’absence de tel ou tel composant ; 4/ traduction de l’expression consécutive à la connaissance des composants sémantiques qui en révèlent la signification.

Les chap. 3 à 9 (69-235) comprennent l’analyse componentielle au sens propre, sur la base d’un choix de sept expressions idiomatiques figurant dans la Bible. Les chapitres s’ouvrent par une petite bibliographie parfois un peu aléatoire pour examiner les expressions suivantes : « parler sur le coeur », « les oreilles lui tinteront », « raidir la nuque », « si j’ai trouvé grâce à tes yeux », « puissé-je trouver grâce à tes yeux », « remplir derrière le Seigneur » et l’expression beaucoup étudiée shub shebut + 4 variantes, que l’a. traduit par « rétablir une situation heureuse » (233).

L’étude se termine par une conclusion évaluant à nouveau la méthode, que suivent des éléments de bibliographie et deux index (principaux passages bibliques, principaux noms d’auteur). Dans cette recherche qui comble un vrai manque, l’a. a accompli un remarquable travail de pionnier.

Michaela BAUKS

 

  • David J. A. CLINES et al. (éd.), The Dictionary of Classical Hebrew, vol. IV : iod-lamed, Sheffield : Academic Press, 1998. 25 cm. 642 p. ISBN 1-85075-681-3. $123,50.

À l’occasion de la parution du vol. 4 de ce remarquable dictionnaire, rappelons-en le concept : à côté de textes bibliques, les textes de Qumrân ainsi que textes épigraphiques en hébreu sont mentionnés. À côté des différentes voix, les verbes sont distingués en plusieurs colonnes donnant la référence au sujet, à l’objet et aux prépositions qui se trouvent employés avec ce terme. L’introduction est suivie d’une partie énumérant les sources textuelles de Qumrân et des textes non bibliques qui sont pris en compte (cette partie intègre ces sources également pour les vol. précédemment publiés). On trouve ensuite une bibliographie pour les éditions des textes. Le chap. suivant comprend la liste du nombre de mots commençant par chaque lettre, ce qui est une aide supplémentaire d’une grande importance. Sous forme d’une liste distinguant les différents groupes de textes (TM, Siracide, Qumrân, inscriptions), le lecteur dispose d’un bon aperçu lui permettant de savoir à quelle époque et dans quelle littérature le lemme étudié est signifiant. Ce vol. se termine par une autre bibliographie qui résume la littérature secondaire traitant des termes commençants par les 3 lettres auxquelles il est consacré. L’index anglais-hébreu est d’une grande utilité.

Michaela BAUKS

 

  • La Bible d’Alexandrie, vol. 7 : Les Juges. Traduit, introduit et annoté par P. Harlé avec la collaboration de Thérèse Roqueplo, Paris : Cerf 1999, 19 cm. 286 p. ISBN 2-204-06147-6. FF 180.
  • La Bible d’Alexandrie, vol. 23. 4-9 : Les Douze Prophètes. Traduit, introduit et annoté par M. Harl, C. Dogniez, L. Brottier, M. Casevitz, P. Sandevoir avec la collaboration de R. Dupont-Roc,Th. Roqueplo et F. Roux, Paris : Cerf, 1999. 19 cm. 286 p. ISBN 2-204-06265-0.

Avec la trad. de la version grecque du livre des Juges, on est confronté à des problèmes différents de ceux qu’avaient rencontrés les traducteurs du Pentateuque. Le texte grec de ce livre repose sur deux, voire trois versions différentes, qui sont « toutes issues d’un archétype conjecturé ». La comparaison de ces versions textuelles avec le texte hébreu fait apparaître « une nouvelle manière de traduire, postérieure de plusieurs générations à celle qui inspira le Pentateuque et Josué » (9).

L’étude s’ouvre par des références bibliographiques (11 paragraphes), les abréviations et sigles, les abréviations des livres bibliques et un système de transcription du grec et de l’hébreu. Une très bonne introduction (49 p.) donne au lecteur des renseignements très variés concernant le livre des Juges. Dans le 1er chap., elle traite de questions différentes tels que le titre des Juges dans la LXX et la position du livre dans le canon de la LXX ; des deux façons différentes de traduire le mot hébreu pour juges ; de la chronologie interne ; de certains problèmes textuels ; du texte antiochien en tant que troisième version intégrée par Rahlfs dans la version A de la traduction grecque ; de la composition du livre ainsi que de différentes traditions et caractéristiques de lecture. L’introduction comprend aussi des explications des lectures anciennes de Jg (II), tant bibliques que provenant d’auteurs de l’Antiquité (Josèphe, Philon, Origène, Théodoret). Dans cette même introduction, tout un chapitre est consacré au Cantique de Débora en tant que poème indépendant dans le contexte du livre et, en même temps, en tant que le texte le plus ancien figurant dans la Bible hébraïque. Comment s’est faite la réception de ce cantique en langue grecque ? Son usage liturgique dans le culte synagogal – il y est conjoint à la grande parashah intitulé Beshallach, qui couvre certains récits du livre de l’Exode traitant du parcours dans le désert, de la victoire sur Amalek et du peuple maudit – est important. L’a. souligne que les traducteurs de la LXX en ont tenu compte et « n’ont pas hésité à gloser et à amplifier certains passages, rejoignant ainsi la méthode du Targum » (48). De plus, il faut tenir compte des trois versions principales du Cantique comprenant A, L (lucianique ou antiochien) et B, que Rahlfs avait présenté sous la forme d’un texte mixte A et un texte simple qui correspond au Vaticanus (B). H. souligne son intérêt qui se porte « sur la lecture faite par les plus anciens traducteurs » en rappelant que « les traducteurs avaient sous les yeux un texte hébreu non vocalisé ; et ce texte consonantique prémassorétique n’avait pas encore trouvé sa forme définitive » (49).

Le chap. final de l’introduction aborde les problèmes lexicaux qui figurent dans les différentes versions du livre des Jg en grec. La partie centrale du livre, la traduction et les annotations du livre des Juges en grec, se basent sur les version AL (A selon Rahlfs) et B, qui y figurent dans leur intégralité en colonnes parallèles. Le travail sur les différentes versions, qui est intégré dans la partie des annotations en bas de chaque page, se présente d’une manière très solide. Deux index (noms de lieux et mots grecs mentionnés) et une carte qui reconstruit la topographie des Juges conclut ce précieux volume.

Après la publication des Jg paraît le premier vol. d’une série concernant les Douze Prophètes mineurs de la Bible hébraïque. Le commentaire présente les livres prophétiques de Joël, Abdiou, Jonas, Naoum, Ambakoum, Sophonie – que la LXX place dans un ordre différent de celui de la BH. Les a. annoncent une introduction générale aux 3 vol. consacrés au Dodekapropheton qui figurera dans le vol. I et sera rédigé par T. Muraoka. Dans le vol. présent figurent, à côté d’une importante bibliographie générale et des notices, de courtes introductions et bibliographies propres à chaque livre. La traduction du texte se fonde sur l’éd. de J. Ziegler, qui comporte quelques différences avec l’éd. de Rahlfs. Trois index (mots grecs, références bibliques et textes juifs et chrétiens cités dans les notes) concluent le volume. Les éditeurs soulignent la grande importance des lectures anciennes (juives et chrétiennes), qui sont intégrées dans les annotations de ce riche commentaire.

Michaela BAUKS