La théologie dans le texte – Entre mystique et politique. Quelques éléments structurels du Ramayana de Tulsi Das et leurs traces dans l’histoire de la réception du texte.

Tulsī Dās est probablement né aux alentours de 1550, en tant que brahmane, doté ainsi d’une naissance favorable parmi les lettrés et érudits de l’Inde. Hormis les hagiographies merveilleuses, nous ne connaissons de sa vie que ce à quoi il fait allusion dans son œuvre, qui fait état d’une enfance malheureuse ; il aurait été abandonné par ses parents et élevé probablement par des moines itinérants. Son éducation a pourtant du être excellente, à en juger des connaissances vastes que nous révèlent ses écrits.

L’histoire politique de la vie de Tulsī coïncide avec l’époque la plus glorieuse de l’empire moghol. C’est précisément le règne d’Akbar, de son fils Jahangīr, mais plus encore de l’épouse de ce dernier, la grande Nūr Janān, reine éclairée, mais vite oubliée de l’histoire écrite des hommes. Après des conquêtes musulmanes violentes, après un sultanat de Delhi douloureux, la période d’Akbar entame une ère nouvelle dont le mot d’ordre est la tolérance, l’ouverture, la rencontre, voire la fusion entre les religions. Après avoir mené en début de règne, des conquêtes sanglantes qui lui assurent une territoire immense – quasiment toute l’Inde du Nord et du centre – Akbar donna libre cours à son penchant pour la philosophie, les questions métaphysiques, la beauté, la musique, élaborant un ambitieux projet d’une religion à vocation universelle, qui engloberait  ce que les religions ont de meilleur à offrir. Pour les Hindous et musulmans éprouvés par les guerres et le joug des invasions pénibles, ce fut donc une période relativement calme et qui redonna au pays goût pour les constructions artistiques les plus osées. De cette période de créativité naît le Rāmāyanā, qui est considéré aujourd’hui comme le chef-d’œuvre inégalé de la littérature hindie.

 

p. 187-196

Auteur

BURGER Maya
Maya BURGER est professeur ordinaire à l’Université de Lausanne de la Session langues et civilisations slaves et de l'Asie du sud (SLAS) à la faculté des lettres et du Centre interdisciplinaire d'histoire et de sciences des religions (CIHSR) à la faculté de théologie.