Chronique johannique I

Les recherches sur les écrits et l’histoire de la communauté johanniques occupent une place importante dans les productions exégétiques actuelles, non seulement du point de vue quantitatif (voir G. van Belle, Johannine Bibliography 1966-1985, Louvain 1988 ; R. R. Espinosa – D. M. León,Bibliografía joánica, Madrid 1990), mais encore sur le plan méthodologique. En effet, les travaux que nous présentons ici relèvent des principales approches exégétiques en usage actuellement. Il est certes difficile d’apprécier les véritables avancées en matière d’interprétation (pour être juste dans ce domaine, il faudrait accomplir l’impossible tâche de couvrir toute la littérature spécialisée mondiale !), mais les lecteurs avertis pourront juger de la solidité et de la pertinence des hypothèses soutenues par les différents auteurs cités ci-après. De toute façon, les écrits johanniques du NT résistent si bien aux interprétations contradictoires qu’ils convoquent leurs lecteurs à d’incessantes relectures.

Voici les rubriques sur lesquelles portera cette chronique :

  • I. Évangile de Jean
    • I.1. Commentaires
    • I.2. Monographies
    • I.3. Ouvrages collectifs et recueils
  • II. Apocalypse
    • II.1. Commentaires
    • II.2. Monographies

I – Évangile de Jean

I. 1. Commentaires

1. Le quatrième et dernier tome du commentaire de Xavier LÉON-DUFOUR sur Jn a paru ; il concerne les quatre derniers chapitres de Jn (11-306) et contient aussi bien une postface théologique qu’une ouverture ultime (307-330). L.-D. divise en quatre parties : Jésus se livre aux juifs (18/1-27) ; Jésus est livré aux païens (18/28-19/22 ; introduction [18/28], a dehors [18/29-32], b dedans [18/33-38a], c dehors [18/38b-40], d conclusion [19/1-3], a’ dehors [19/4-7], b’ dedans [19/8-12], c’ dehors [19/13-16], d’conclusion [19/16-22]) ; Jésus se livre au Père (19/23-42) ; à la rencontre du Vivant et épilogue (20/1-21/25). Selon l’a., Jésus entre dans la gloire au moment de sa mort (11) et Jn ne « montre pas un Jésus en survie, mais l’accès des disciples à la foi pascale et la prise de conscience de leur situation nouvelle » (12). Pour déterminer le climat spirituel dans lequel retentit le récit johannique de la passion, L.-D. précise que « l’humanité de Jésus ne faisait pas de doute, mais bien le statut divin que lui reconnaissaient les chrétiens » (16), d’où la modification du vocabulaire et du récit chez Jn (16-17 : prépondérance de l’idée de gloire). L’a. souligne aussi l’importance de l’accomplissement de l’Écriture dans le récit de la Passion ; ce procédé littéraire a pour but non pas de justifier le scandale de la croix, mais bien plutôt de montrer les bienfaits de l’élévation de Jésus (18). Parmi les prises de position de notre a., notons à titre d’exemple que, d’après 19/24c-27, « le passé d’Israël (symbolisé par la mère de Jésus) débouche dans le présent du message évangélique (symbolisé par le Disciple) où il s’accomplit jusqu’à la fin des temps. La scène illustre magnifiquement le rapport de ce qu’on appelle les deux Testaments » (148). L’a. termine son ouvrage par une postface substantielle où il dévoile les présuposés de sa lecture (synchronique et symbolique) ; sur le plan christologique, L.-D. constate que la symbolique johannique est « le fruit d’une relation consciemment établie entre le Fils de Dieu, le Glorifié présent à la communauté chrétienne et Jésus de Nazareth qui a vécu jadis en Palestine » (311). L’a. révèle aussi des correctifs apportés à sa position initiale concernant Jn 5 et 6, 14, 19/17-22. Enfin, deux paragraphes sur le disciple bien-aimé et la gnose prennent position par rapport aux recherches contemporaines : l’a. y montre que son approche n’évacue pas complètement la question historique. Nous saluons l’achèvement de ce commentaire à la fois lisible, bien informé et ouvert à la proclamation.

2. Le commentaire de Charles L’ÉPLATTENIER a été réédité sans modification. L’a. a su mettre en oeuvre sans pédantisme les résultats de la sémiotique et de la narratologie ; mais il n’oublie pas, en cours de route, la mise en perspective théologique (par ex. p. 68 s, 123-125, 319 s). Les lecteurs francophones possèdent maintenant un ouvrage compétent mais simple qui les initie au monde narratif de Jean.

3. Après avoir publié un livre remarqué sur Jn 13-17 (cf ETR 1982, 644), Yves SIMOENS achève un commentaire volumineux sur Jn ; le t. I donne une traduction littérale et structurée de l’Évangile, tandis que les deux suivants donnent une exégèse détaillée des péricopes (23-27) : 1/1-18 Prologue ; 1/19-6/71 Qui est Jésus le fils de Joseph ? ; 7-12 Qui est le Christ venant à son heure ? ; 13-17 Le Fils glorifié ; 18-21 Le Christ livré. L’a. adopte une lecture synchronique informée par la contemplation, selon son projet ; « Nous voudrions surtout donner à voir, à contempler un texte qui comporte en lui-même son pouvoir d’évocation et d’actualisation, pour peu qu’il soit respecté dans sa teneur littéraire et spirituelle propre. Beaucoup d’études laissent le lecteur sur sa faim à cet égard. Le moment est venu de communiquer avec modestie ce qui nous fait vivre » (2 : 13). Ce point de vue n’est pas incompatible avec l’usage rigoureux de l’exégèse critique et des sciences humaines, comme S. le démontre dans les discussions serrées avec la littérature secondaire. Ainsi certains passages font l’objet d’une analyse plus conséquente comme Jn 1/1-18 (2 : 30-77), 6/1-71 (2 : 261-300), 13 (3 : 567-600), 17 (3 : 673-705), 21 (3 : 905-936). L’a. a tenu son pari de donner à voir le texte johannique en mettant en oeuvre une pédagogie efficace ; dès l’abord, il donne une vue générale sur Jn (2 : 13-18), puis conclut chaque section par une relecture qui essaie d’en saisir la structure théologique et littéraire, enfin il restructure l’ensemble de l’Évangile (3 : 971-991).

Concernant des points de détail, notons que S. opte en Jn 1/18 pour la lectio difficilior « l’unique-engendré, Dieu » qui donnerait aussi une structura probabilior au prologue ; inclusion parfaite entre le v. 1 (Dieu, Dieu, auprès de Dieu) et le v. 18 (Dieu, Dieu, vers le sein du Père). En 3/3, 7 anôthen est traduit par d’en haut pour marquer le malentendu entre Jésus et Nicodème (naissance depuis l’Esprit /vs/ retour dans le sein maternel) ; la traduction habituelle de nouveau ne rend pas compte de cet écart et corrobore la bévue de Nicodème. En 19/23b (3 : 809-819), l’a. rejoint l’interprétation patristique en soutenant que « la tunique comporte une connotation sacerdotale, comme vêtement de dessous ». L’a. considère en outre l’épisode de la femme adultère (2 p. seulement) comme une concrétisation de la discussion sur le péché et le jugement moral.

Ce nouveau commentaire confirme l’orientation majoritairement synchronique de l’exégèse johannique francophone. Ce phénomène pose un certain nombre de problèmes sur l’avenir de la critique historique, qui ose problématiser le stade canonique du texte et articule des réflexions théologiques plus diversifiées et tournées vers le(s) contexte(s) socio-historique(s) de l’énonciation johannique. Heureusement, quelques travaux historiques sur le johannisme sont disponibles en français (cf ETR 1984, 550 ; lire aussi ETR 1991, 594). Un commentaire, qui intègre à la fois l’histoire du texte, l’histoire sociale et le développement théologique de la communauté johannique, introduirait une bouffée d’air frais dans l’espace francophone !

4. L’exégète allemand Ulrich WILCKENS a écrit pour un public non spécialisé un commentaire dense et clair. Dans l’introduction (1-17), l’a. retrace les caractéristiques de Jn en affirmant par ex. que « la vision unifiée (Ineinsschau) de la mort, de la résurrection et de l’ascension de Jésus dans la perspective pentecostale de l’Esprit est l’aspect central de la théologie de Jn » (2). Concernant la relation de Jn avec les Synoptiques, W. est d’avis que « d’une part, on est obligé de montrer sur certains passages que Jn a utilisé Mc et Lc. Qu’il ait aussi connu Mt doit rester ouvert … D’autre part, partout où existent des matériaux synoptiques, un taux élevé de johannisme se manifeste » (3). Et l’a. de prendre position : « Il faut compter avec une utilisation voulue des Évangiles synoptiques par Jn plutôt qu’avec une reprise de matériaux de la transmission orale dans son entourage » (4). Sur les problèmes littéraires de l’Évangile, W. préfère inverser l’ordre des chap. 5 et 6, avoue la difficulté de 10/1-18 – qui se laisserait finalement interpréter comme johannique, et suggère que 14/31b aurait une fonction de signal de rupture invitant les lecteurs à lire 15/1-16/4 comme la figure de la suivance des disciples après Pâques.

Très sensible à la dimension théologique du texte, l’a. n’est pas tendre à l’égard de certains qui trouvent des échappatoires historiques ou littéraires pour contourner le message de Jn : quand on considère comme contradictoires les termes opposés dont Jn fait usage, « en les attribuant – selon la critique littéraire – à l’évangéliste, d’une part, et à ses rédacteurs critiques, d’autre part, on se dérobe au devoir d’expliquer le texte de Jn. La critique littéraire (Literarkritik) sert ici non pas à l’explication du texte, mais à la rétrodatation historique de sa propre contradiction théologique à l’encontre des affirmations précises du texte à commenter » (9). À propos des sources de Jn, l’a. réfute l’existence d’un recueil de miracles, en soulignant qu’il n’y avait aucun livre constitué uniquement d’une chaîne de miracles au temps de Jn. Il n’accepte pas non plus l’hypothèse d’une source des discoursà caractère gnostique qui serait à la base de Jn 13-17. En revanche, W. montre l’importance de l’AT et de la tradition liturgique juive pour comprendre Jn. À travers l’explication des différentes sections de l’Évangile, il démontre la pertinence théologique d’une lecture essentiellement diachronique. Il est dommage que certains passages aussi chargés de sens que Jn 8/36 fassent seulement l’objet de deux lignes d’exégèse. Un résumé substantiel de la théologie johannique (332-348) suivi d’une indication bibliographique termine l’ouvrage.

5. L’exégète de Halle-Wittenberg Udo SCHNELLE, auteur de publications remarquées sur le johannisme, vient d’achever un commentaire scientifique sur Jn. Doté d’une bibliographie abondante, ce livre défend l’existence de l’école johannique et présente l’auteur de l’Évangile comme « un théologien d’une époque plus tardive, qui pensait, interprétait et décrivait la vie de Jésus sur la base de traditions considérables. Jean appartenait probablement à un cercle d’enseignants inspirés » (5). Voici quelques prises de position de l’a. : 1/ Jn serait écrit à Éphèse vers 125. 2/ « Sur le plan méthodique, un changement d’ordre est justifié quand l’impossibilité b-4, 7/53-8/11, 21. 3/ La source des signes n’existe pas ; en revanche, on peut discerner une collection de paroles sur le Paraclet et sur « Moi, je suis ». 4/ « Jn ne pense pas de façon structurellement dualiste, mais les antithèses viennent de sa pensée synthétique qui vise l’unité des croyants avec Dieu » (24). 5/ Si les passages abrupts, les données temporelles non préparées ou le changement brusque de perspectives étaient tenus pour des indices de rupture de sens et, partant, pour un point de départ pour des considérations de critique littéraire, alors maintenant – du point de vue de l’esthétique de la réception – ils font fonction d' »éléments activateurs du processus de lecture » (26). Reflétant l’état actuel de la recherche, ce commentaire est bien servi par le style alerte, concis et clair de l’a.

I. 2. Monographies

6. Les trois premiers ouvrages suivants ne se laissent pas enfermer dans une chronique johannique, mais vu le rôle des auteurs dans les recherches contemporaines sur Jn, les parties johanniques de leurs livres s’avèrent intéressantes. D’abord, Charles Kingsley BARRETT a publié un recueil d’articles sur l’histoire de l’exégèse (Westcott, Lightfoot, Hort, Hoskyns, Davey, Schweitzer [1-91]), sur la littérature et la communauté johanniques dont une excellente présentation de l’histoire sociale du johannisme (« Christianisme johannique », 93-118), une contribution au thème « Jean et les Synoptiques dans l’histoire de la pensée chrétienne primitive » (119-134) et une analyse de « La gnose et l’Apocalypse de Jean » (135-148). On y trouve aussi d’importantes études sur le paulinisme (149-212) et sur l’herméneutique néotestamentaire (213-276). Il est regrettable que le texte ne soit pas assez aéré pour rendre agréable la lecture d’un ouvrage de ce niveau. Dans son étude socio-historique de la communauté johannique, B. décrit la difficulté matérielle à laquelle le chercheur moderne doit faire face. En effet, Jn « se préoccupait plus de la proclamation de l’évangile à sa manière et de l’imprégnation de ses lecteurs par les objectifs de son Évangile que de la description du passé, surtout dans les détails individuels et sociaux » (94). B. y ajoute le message à caractère universel de Jn et son combat contre le monde marqué par l’incrédulité. Cela dit, l’a. concède qu’on peut tirer du texte, par indications obliques et inférences, l’histoire sociale, car « il n’y a aucune raison de supposer que seul Jn vivait dans un tour d’ivoire et restait insensible à son environnement » (95). Ensuite, B. examine la situation ecclésiale assez délimitée des lettres johanniques et en conclut (a1) que les Églises allaient vers une forme monarchique de direction communautaire et (b1) que 1 Jn n’étudie pas sérieusement l’appartenance du monde à Dieu – ce qui signifie finalement qu’il n’a aucune théologie de la société (102 s). L’Évangile de Jn est étudié avec la même prudence : (a2) « raconter l’histoire de ce Jésus, le Verbe incarné de Dieu, la raconter avec des détails exacts et vérifiables, était une tâche qui n’avait pour Jn aucune signification théologique ni autre signification » (105) ; (b2) « pour l’Église johannique, la Synagogue représente une menace et un avertissement. Elle n’est ni une soeur ni même un champ de mission » (106) ; (c2) tandis qu’aucune preuve concrète n’existe sur la secte baptiste et sur un lien entre Jn et les Hellénistes, « on peut raisonnablement supposer que les chrétiens johanniques entrèrent, à une certaine étape, en contact suffisamment étroit avec les Samaritains pour avoir un intérêt et une sympathie pour eux » (109) et que des controverses et des schismes causés par des désaccords christologiques eurent lieu (114 s) ; (d2) la mort du Disciple bien-aimé a inauguré une ère nouvelle où « la discipline stricte remplaçait une pensée théologique créative. Pour affronter sûrement la tempête, l’Église verrouillait les portes et ne laissait aucun doute que la fin de la liberté était venue » (116). Cette contribution assez négative du point de vue de l’histoire doit être complétée par une autre étude plus positive de l’a. (« St. John : Social Historian », Proceedings of the Irish Biblical Association 10, 1986, 26-39).

7. La version américaine de la christologie des Évangiles de Rudolf SCHNACKENBURG contient une réflexion préliminaire sur l’investigation historique sur Jésus, sur le statut de l’Évangile comme genre littéraire et sur l’Évangile quadriforme. Tout en reconnaissant la légitimité de l’exégèse historico-critique, l’a. avoue que « le Jésus réel échappe à nos yeux et ne peut pas être saisi par la recherche historico-critique non plus. Le résultat de cette recherche, qui est conçue avec un grand appareil méthodologique, est une construction selon les méthodes de procédure généralement employées par la science historique, mais qui restent totalement inadéquates pour une figure aussi inhabituelle que Jésus de Nazareth, une figure qui ne peut être comprise que dans la foi » (9). Après avoir présenté le Jésus de chaque Évangile synoptique (Mc : 17-73 ; Mt : 74-130 ; Lc : 131-218), S. passe à Jn (219-294) et termine par une méditation sur le témoignage quadriforme sur Jésus (295-325). La position défendue par l’a. sur l’image de Jésus chez Jn pourrait être résumée ainsi : 1/ « Le Jésus historique est totalement absorbé par le point de vue post-pascal de la foi. C’est aussi le cas, sûrement, des Évangiles synoptiques, mais la vision johannique du Christ commence avec l’incarnation du Logos divin et domine toute l’apparition et activité de Jésus dans le domaine terrestre » (219). 2/ Cette image vient de « l’école johanniquequi avait à sa disposition des esquisses orales et peut-être aussi écrites par le Disciple bien-aimé. C’est à ce cercle que nous devons la rédaction finale de l’Évangile de Jean, tandis que la teneur de l’Évangile (jusqu’à 20/31) remonte probablement à un théologien formé dans l’hellénisme qui adoptait et présentait la tradition du Disciple bien-aimé » (226). 3/ Pour la structure de Jn, l’incrédulité des juifs, qui ne cesse de croître, est un motif crucial, et le thème porteur est la controverse autour de Jésus qui se manifeste aussi bien en Galilée qu’à Jérusalem (7/14-30, 10/22-39) (231). 4/ Dans les discours d’adieu, « les choses dans l’auto-révélation qui rencontraient résistance et rejet dans le judaïsme deviennent compréhensibles dans la vie de l’Église et son conflit avec le monde » (234). 5/ « Le Fils de l’homme johannique est une figure entièrement conçue par la foi chrétienne. Il est l’être humain, non pas présenté d’une manière mythologique, mais Jésus de Nazareth réel et historique, qui seul, à travers la croix, est unique et non méconnaissable » (270). 6/ « Toutes les tensions – et surtout les apories – observables dans la christologie johannique trouvent leur ultime clarification dans l’incarnation du Logos » (271). 7/ « Sans l’ancrage en Dieu, la personne de Jésus reste floue, irréelle et inexplicable. D’Évangile en Évangile, le mystère de la personne de Jésus est révélé jusqu’à ce qu’il culmine chez Jn à travers les affirmations sur le Fils de Dieu préexistant » (322). Voilà un livre bien écrit (et traduit), fruit d’un grand labeur exégétique ; les conclusions (sur l’histoire et les apocryphes, par ex.) pourraient être jugées comme conservatrices, mais l’a. avertit ses lecteurs dans la préface qu’il s’est limité à « une vue soutenable, durable et consensuelle ».

8. Francis J. MOLONEY a publié une approche narrative des débuts des quatre Évangiles en vue de faciliter la compréhension de leur stratégie. En effet, la méthode narrative présentée par l’a. dans le chap. 1 (19-42) veut que « le lecteur implicite soit une contruction littéraire, un lecteur vierge qui émerge graduellement du récit en cours, conçu par l’auteur implicite, sachant seulement ce qui a été lu jusque-là. […] Bien que totalement ignorant de ce qui va encore venir, le lecteur implicite a été formé et informé par ce qui a été lu jusque-là » (35). D’où l’importance de la bonne connaissance du commencement de chaque Évangile. En choisissant la critique narrative, l’a. adopte un ton très conciliant à l’égard des méthodes historiques et se rallie, sur le plan théorique, aux travaux de G. Genette, S. Chatman, S. Fish, W. Booth, etc. Les chap. 2 à 4 sont consacrés respectivement à Mc 1/1-13 (43-71), à Mt 1/1-2/23 (73-100) et à Lc (101-130). Quant au chap. 5 (131-159), il analyse le Prologue johannique en trois étapes ; 1/ Le Verbe en Dieu devient la lumière du monde (v. 1-5) ; 2/ le Verbe dans l’histoire (v. 6-14) ; 3/ Jésus-Christ présent à la foi de la communauté (v. 15-18). L’a. y discerne un développement par reformulation et approfondissement : le Verbe (v. 1-2), sa venue (v. 3-4), sa réception (v. 5) ; le Verbe (v. 6-8), sa venue (v. 9), sa réception (v. 10-13), sa description (v. 14) ; le Verbe (v. 15), sa réception (v. 16), sa description (v. 17-18). Notons les principales affirmations de l’a. pour chaque section du Prologue : 1/ « L’auteur donne au lecteur une leçon brève mais dense sur l’histoire du salut qui peut être mise en intrigue depuis la préexistence du Verbe jusqu’à la vie et la lumière apportées à l’histoire à travers une figure humaine identifiable » (140) ; 2/ À la fin de cette section, le lecteur « se situait fermement dans le domaine de l’histoire humaine. Jean le Baptiste, un être humain identifiable avec un nom, est l’envoyé de Dieu, témoin du Verbe qui est la seule lumière véritable » (153) ; 3/ « Le lecteur en voie d’émergence est conduit dans un récit de vie. Un être humain avec un nom et un rôle, Jésus-Christ, a un récit […]. C’est une chose d’affirmer que le Logos est Jésus le messie, mais comment cet homme vit-il son rôle messianique ? Beaucoup de questions demeurent. Le lecteur doit se presser dans le récit de la vie et la mort de Jésus » (155). Nous avons là un livre admirable du point de vue pédagogique et exégétique. Il est à signaler cependant que l’a. surinterprète le démonstratif houtos (v. 2) en le traduisant – de façon appuyée – par cet homme (138 s, 142), alors qu’il remplace tout simplement le mot précédent.

9. La thèse de doctorat de l’exégète sud-africain D. François TOLMIE est consacrée à l’étude narratologique des discours d’adieu. L’a. se propose de « montrer la façon dont l’auteur implicite de Jn conduit le lecteur implicite à accepter une perspective particulière sur le fait d’être disciple » (13). Sur le plan théorique, T. se base sur le modèle éclectique de Shlomith Rimmon-Kenan (24). L’intérêt majeur de cet ouvrage consiste à illustrer pas à pas les principaux concepts narratifs afin que le lecteur en saisisse la pertinence interprétative : dans l’introduction sont expliqués l’auteur et le lecteur implicites (15-21), les trois niveaux narratifs – histoire, récit, énonciation – (25-28), la structure de Jn 13/1-17/26. Le chap. 2 (33-62) examine le niveau de l’énonciation (communication du récit entre narrateur et lecteur) par la description des différentes notions d’auteur, de lecteur, de narrateur et de narrataire. Selon l’a., le narrateur de Jn est fiable, car omniscient et extra / hétérodiégétique (c-à-d qu’il est supérieur au récit et ne joue pas le rôle d’un personnage). Quant au narrataire, il est également fiable et possède une connaissance préalable des événements et des personnages. Le chap. 3 (63-144) étudie en profondeur l’histoire (l’ordre chronologique – abstrait – des événements en relation avec les personnages) à l’aide de la théorie sémiotique : les événements sont analysés afin d’en détecter la structure profonde (les relations paradigmatiques) à l’aide du carré sémiotique et la structure superficielle (les relations syntagmatiques) à l’aide d’un système de classification illocutive ; les personnages sont décrits selon le schéma actantiel de Greimas. Le chap. 4 (145-180) a pour objet le niveau du récit (le texte lu par le lecteur) dont les composantes les plus importantes sont le temps, les personnages et la focalisation. Concernant Jn 13/1-17/26, l’a. constate que, du point de vue de l’histoire, les discours d’adieu durent une soirée, tandis qu’ils s’étalent sur 313 lignes de Nestle-Aland selon le temps du récit, ce qui constitue 17,5% du texte de Jn (c’est la section la plus détaillée de l’Évangile). Dans le chap. conclusif (181-229), T. résume de façon plus limpide les acquis de ses investigations : être disciple de Jésus implique une différence radicale par rapport aux valeurs du monde ainsi qu’une relation intime avec Jésus ; cela exige aussi la réalisation d’un certain nombre de valeurs (l’amour, la sainteté, l’unité, la production de fruits …) et l’acceptation des difficultés liées à la suivance (haine du monde…) ; enfin, celle-ci donne accès à des privilèges spécifiques (l’union avec le Père et le Fils, l’envoi du Paraclet, l’exaucement des prières …). L’ouvrage, qui constitue une bonne illustration de la théorie et de la pratique de l’exégèse narrative, se termine par une bibliographie détaillée. P. 4 n. 4 [NTS 25 (1978)] lire « M. E. Boring » au de J. Painter ; p. 55 l. 6 lire « 19 :35″ au lieu de 19 :25 ; p. 150 l. 7 lire « than » au lieu de that.

10. Dwight Moody SMITH a publié La théologie de l’Évangile de Jean pour résumer sa propre recherche de longue haleine sur le quatrième Évangile et pour donner un aperçu des travaux contemporains. Dans l’introduction, il exprime une idée très proche de celle de Barrett : « Le contenu théologique et la forme narrative de l’Évangile de Jean sont ses caractéristiques les plus évidentes. Le milieu de vie – quoique très important – reste implicite et hypothétique de par sa nature […]. Une appréciation de l’origine de l’Évangile confère profondeur et perspective à notre compréhension du texte » (2 s). Puis l’a. donne une description détaillée du milieu et des sources de la théologie johannique (10-74) ; les milieux religieux (hellénistique, gnostique, juif), le cadre narratif, la relation avec le judaïsme et la situation dans le christianisme primitif (écrits néotestamentaires et chrétiens primitifs). Le chap. 3, consacré aux thèmes de la théologie johannique (75-160), fait penser aux titres utilisés par Bultmann dans son commentaire : les présupposés, la révélation de la gloire au monde, la révélation de la gloire à la communauté. Le chap. 4 examine les problèmes théologiques suscités par Jn (161-182) : la mythologie, l’antisémitisme, la nature du christianisme. Cet ouvrage bien écrit et clair comprend une brève bibliographie et des index et constitue une bonne initiation à la théologie johannique.

11. Sjef VAN TILBORG publie une première évaluation des Inschriften von Ephesos éditées par H. Wankel et al. (Bonn 1979-1984) en fonction de l’Évangile de Jean. L’a. concède que la localisation de Jn à Éphèse a été mise en doute par les recherches récentes, mais il maintient que, selon lui, « l’Évangile de Jean, ou au moins la version finale de cet Évangile, a pour origine le quartier juif d’une cité hellénistique [= Éphèse] » (3). Cette étude s’efforce d’expliciter les interférences possibles (négatives et positives) entre les inscriptions éphésiennes et Jn dans différents domaines : la prosopographie (5-23), les titulatures (25-57), la vie sociale (59-109), les groupes (111-164), la juridiction et le pouvoir impérial (165-219). Il est intéressant de voir comment Jn reflète, conteste et réutilise les réalités et les valeurs sociales de son milieu d’origine. Notons enfin que cet ouvrage met en oeuvre un certain nombre de procédures fondamentales pour l’exégèse socio-historique.

12. Une nouvelle étude sur les Je Suis dans Jn a paru sous la plume de David Mark BALL. Cet a. se propose d’analyser, avant toute comparaison, toutes les occurrences de Egô eimi chez Jn (avec image et sans image) à l’aide de la critique narrative. La 1re partie (23-45) rappelle les hypothèses historiques sur l’arrière-plan des Je suis (monde grec, judaïsme, NT et christianisme primitif). La 2e (47-160) étudie le monde du texte à l’aide des critères narratologiques (contexte littéraire, structure, personnages, ironie, point de vue, lecteur implicite …). L’a. aboutit à la conclusion que « Jésus interagit avec le lecteur ainsi qu’avec l’auditeur du récit, à travers les énoncés Je suis, et ainsi son véritable personnage se fait connaître de façon plus profonde que par la liste initiale de titres dans le chap. 1. Par le Egô eimi de Jésus, le lecteur est aidé à parvenir à une foi correcte sur ce qu’il est aussi bien qu’à une foi correcte sur ce qu’il fait » (159). Dans la 3e partie, l’a. tente de délimiter les énoncés contenant Je suis avec prédicat et sans prédicat : 1/ Les Je suis sans prédicat insistent sur son identité. Ici, « Jésus prend à son compte une expression réservée à YHWH seul et s’identifie ainsi, d’une manière intime, avec les actes divins de création et de salut. En fait, cela ne diffère en rien du reste de la haute christologie de Jn » (203). 2/ Les Je suisavec prédicat indiquent les différents rôles joués par Jésus parmi les hommes et proviennent surtout de l’AT et du judaïsme. Ils s’inscrivent, dans la plupart des cas, dans la rhétorique de l’ironie de Jn : « Une ironie plus révélatrice est à l’oeuvre dans les Je suis du discours sur le Bon Pasteur, où les paroles de Jésus visent implicitement les dirigeants d’Israël qui ont négligé de prendre soin du troupeau de Dieu » (261). Dans la partie conclusive (264-283), on notera les fonctions attribuées par B. aux énoncés Je suis : l’accomplissement de l’espérance juive (fonction proclamative), l’exclusivité de Jésus et l’obsolescence du judaïsme (fonction polémique), l’encouragement des fidèles (fonction exhortative), l’invitation à la mission (fonction interpellative). Par la clarté de sa méthode, ce livre constitue une bonne introduction à ce thème de christologie johannique. Mais le lecteur pourra compléter ses informations avec les récents travaux de H. Thyen sur ce sujet que B. n’a pas pu inclure dans sa thèse.

13. Robert G. MACCINI a mené une recherche non féministe sur le témoignage des femmes dans Jn. Marié à une pasteure ordonnée, l’a. s’intéresse aux ministères féminins dans le NT mais refuse de se soumettre à l’idéologie féministe en vogue (ainsi, un article de sa plume a été refusé par une revue féministe). Dans cet ouvrage, l’a. se pose un problème spécifique : Comment les témoignages des femmes dans Jn pouvaient-ils être perçus par un lectorat juif du Ier s. ? Pour y répondre, M. choisit l’approche narrative tout en faisant appel aux données culturelles juives du Ier s. Deux présupposés déterminent l’élaboration de cette reconstitution : 1/ les cas relatés par Jn sont considérés comme fondés sur des événements réels du temps de Jésus mais éclairés par la théologie johannique ; 2/ l’Évangile est vu comme une fenêtre ouverte sur la vie de Jésus et non comme un miroir de la communauté johannique (17 s, 240). L’a. prend ainsi position contre les recherches déclenchées par Martyn, Brown et Wengst. Mais il nous semble utile de rappeler que les hypothèses principales de ces auteurs ne se basent pas sur la prémisse selon laquelle Jn aurait inventé de toutes pièces des événements pour le bien de sa cause ! Le chap. 2 (19-62) démontre que, par l’usage massif du concept de témoignage, l’Évangile de Jn se présente au lecteur comme un procès. W. Heitmüller serait à l’origine de cette observation. La réalisation du procès se situe à trois niveaux : le livre, les épisodes, le vocabulaire. Reprenant une idée de Harvey, M. est d’avis que Jn refait au niveau littéraire le procès de Jésus en faisant comparaître un certain nombre de témoins afin de plaider, devant les lecteurs, pour la messianité de celui-ci. Le chap. 3 (63-97) examine ensuite le statut juridique du témoignage des femmes : 1/ en Israël avant l’exil, le témoignage des femmes n’est pas interdit de jure mais de facto ; 2/ dans le judaïsme du second Temple, les rabbins excluent le témoignage probatif des femmes, tout en admettant des situations exceptionnelles (cas de virginité avant le mariage, de mort d’hommes et de propriété). Dans les chap. 4 à 9, l’a. étudie les passages concernant des femmes dans Jn : le témoignage de Marie, mère de Jésus, à Cana (2/1-11) est affaibli par le fait qu’elle n’a pas su comment le vin a été obtenu (ce qui est le cas des esclaves) et qu’elle n’a pas saisi par la foi la gloire de Jésus (ce qui est vrai pour les disciples) ; le témoignage personnel de la Samaritaine (4/42) a été accepté par ses compatriotes avant toute vérification, mais sa foi ne décèle que partiellement l’identité du Juif inconnu [ainsi ; Jean Baptiste > Samaritaine > Marie] ; quant à Marthe et Marie, elles expriment une des confessions les plus complètes chez Jn (11/27) mais ne comprennent pas l’aujourd’hui de la puissance résurrectionnelle de Jésus (11/24) ; Marthe et Marie (12/1-8) témoignent, par leur hospitalité, de l’amour et du service envers Jésus, mais ne manifestent aucune reconnaissance du Messie en Jésus. Ensuite, de Cana à Golgotha, Jn ne dévoile jamais ni la connaissance de Marie, mère de Jésus, ni sa foi. Bien que sa présence de celle-ci au pied de la croix ne constitue point une déclaration ouverte de foi, c’est un acte manifeste de dévotion et de courage (19/25-57). Enfin, avec le Disciple bien-aimé, Marie-Madeleine « est la seule personne dans l’Évangile de Jean qui peut témoigner aussi bien de la croix que de la tombe, du fait que ce même Jésus est mort et est ressuscité » (232). Mais son témoignage a besoin d’être confirmé par les disciples et s’en sort renforcé (20/18, 25). Et M. de conclure : « Toutes les femmes témoins, quoique leurs témoignages soient limités, corroborés ou surpassés, sont vraies et acceptables dans les conventions de leur culture […]. Jn ne choisit pas ses matériaux pour se prononcer sur les femmes mais sur Jésus » (249, 251). L’a. a certes réussi à problématiser les textes en fonction de son questionnement juridique initial, mais il a exclu, du même coup, d’autres dimensions du texte johannique (symbolique, rhétorique …). Cela se voit, par ex., dans son interprétation de Jn 19/25-27 qui est tout à fait insatisfaisante. Malgré le ton irénique de M. en matière d’histoire, il nous paraît extraordinaire, au moment du triomphe du rabbinisme pharisien, de donner un rôle ordinaire de témoins aux femmes. Et pour terminer, il nous semble que M. ignore la fonction heuristique de l’expérience d’oppression pour une communauté interprétative féministe et la limitation idéologique de toute problématisation historique (y compris la sienne !). Cela dit, cet ouvrage constitue un sérieux avertissement contre la surinterprétation qui prend le texte pour un prétexte.

14. Dans Perspectives johanniques sur la mort de Jésus, Martinus C. DE BOER tente d’expliquer historiquement et de comprendre théologiquement le récit de Jn et l’argumentation de 1 Jn. S’inscrivant dans le sillage de ses maîtres Martyn et Brown, l’a. reconstruit l’histoire de la christologie johannique à partir du récit de l’arrestation et du jugement de Jésus. B. note à juste titre qu’il n’existe pas de récit de la Passion chez Jn : « La terminologie spécifique est non seulement absente, mais l’Évangile tend aussi à gommer ou à négliger toute inférence possible que Jésus aurait pu réellement souffrir » (20). Dans la 1re partie (19-82), l’a. passe en revue l’histoire récente des recherches johanniques (de Bultmann à Culpepper) et établit, à partir des apories de Jn, une histoire de la rédaction en quatre étapes : 1/ Jn I : mission parmi les juifs ; Jésus est le Messie. Crise 1 : expulsion de ceux qui confessent Jésus comme Messie. 2/ Jn II : Conversation et débat midrashique avec les autorités juives ; Jésus est Fils de Dieu. Crise 2 : exécution de ceux qui confessent Jésus comme Fils de Dieu. 3/ Jn III : les judéo-chrétiens risquent leur vie ; Jésus est le Fils de l’homme. Crise 3 : schisme concernant la venue de Jésus dans la chair. 4/ Jn IV et épîtres : la propagande des sécessionnistes menace l’identité de la communauté ; Jésus Christ est le Fils de Dieu, venu dans la chair, au travers de l’eau et du sang.

L’originalité de ce travail consiste à attribuer à chaque phase rédactionnelle des motifs littéraires et des champs sémantiques spécifiques : Jn I (signes, accomplissement des Écritures) ; Jn II (envoyé de Dieu, montée/descente, départ vers le Père) ; Jn III (jugement, exaltation, glorification, Paraclet) ; Jn IV (eau, chair, sang, purification, naître d’en haut, expiation). L’a. conclut son ouvrage en affirmant qu' »au cours des deux dernières phases de l’histoire johannique, les chrétiens johanniques ont découvert que la mort de Jésus était, en fait, cruciale pour son identité et pour son oeuvre salvifique comme Messie, Fils de Dieu, et ainsi pour leur identité comme disciples fidèles dans un monde hostile et mauvais. Cette compréhension reste l’héritage final et permanent du christianisme johannique … » (315). Le livre se termine par d’utiles appendices, une abondante bibliographie et des index. Les procédés mis en oeuvre par B. lui ont permis d’étayer ses hypothèses avec précision, mais malgré cela, les paroles sur le Fils de l’homme s’avèrent toujours des matériaux réfractaires à tout classement systématique (102-105, 147-217). Peut-être faudrait-il (162, l. 1) lire Jn III au lieu de Jn II. Il s’agit d’un ouvrage rigoureux et suggestif qui aide à comprendre en profondeur les différents langages sur la mort de Jésus chez Jn.

15. Le pasteur Pierre-Jean RUFF publie un ouvrage de méditations composé de quatre chapitres : divers thèmes, l’Esprit, les personnages et un point de vue sur les recherches. La démarche de l’a. s’inscrit consciemment dans la mouvance libérale avec sa relativisation des dogmes. Un bref extrait de l’introduction donne le ton général du livre : « Non seulement la pensée du quatrième Évangile ne fut pas celle des vainqueurs dans l’Église d’alors, mais elle se situe à la frontière de l’hérésie […]. Pour moi, le quatrième Évangile est à la marge du non-conformisme en même temps que, plus que d’autres, il renvoie à l’essentiel, le Logos, l’Esprit. Ce non-conformisme, recentré sur la Parole et sur la vocation mystique, je souhaiterais qu’il devienne norme » (15, 16). L’étude des figures marquantes de l’Évangile (183-206) ne suit pas la trame du récit mais se contente d’une description très générale qui ne montre pas l’évolution de chaque personnage dans le quatrième Évangile. Enfin, le dernier chap. (207-225) donne un aperçu des recherches sur Jean accessibles en français (sauf Bultmann) et invite les lecteurs à consulter les ouvrages spécialisés. P. 198 ; lire Boismard au lieu de Boisword.

16. En publiant sa thèse présentée en 1995 à Fribourg, Pascal-Marie JERUMANIS apporte une importante contribution à la sémantique du quatrième Évangile. L’a. adopte une lecture foncièrement synchronique qui « sera complétée par le recours à la diachronie : pour comprendre le monde situé devant le texte, on ne peut ignorer celui qui se trouve derrière lui et avec lequel il nous met en communication » (12). Il s’est donné pour tâche d’étudier, « de manière systématique et aussi exhaustive que possible, l’articulation entre le verbe « croire » et le champ sémantique de la communion avec Dieu » (14). Il en résulte une analyse très fouillée de croire (33-182), de la (183-358) et de demeurer (359-528). Le livre est doté d’annexes très utiles, d’index et d’une bibliographie quasi exhaustive sur le thème choisi (567-593). L’a. souligne le caractère christologique du croire chez Jn, la structure du témoignage comme garant de la liberté des croyants (178), le lien entre croire et aimer dans l’existence chrétienne. C’est bien cet acte de croire qui s’avère être la cause instrumentale de la vie, celle-ci étant conçue comme une relation permanente avec Jésus et une dépendance continuelle à son égard. Quant à demeurer, il indique la profondeur de l’union entre Jésus et ses disciples, « chacun rejoignant le « coeur » de l’autre en y demeurant » (448). Et l’a. de dégager l’ordre génétique suivant : « croire, aimer Jésus, demeurer » (459). Cet ouvrage monumental contient un certain nombre d’analyses exemplaires (voir surtout l’étude globale de menein, 412-460), mais pèche par de trop fréquentes répétitions (peut-être est-ce johannique !). Ajoutons que l’énorme documentation accumulée dans les notes en constitue la principale force. Enfin, la bibliographie (567-593) donne un bon aperçu de la littérature francophone dans le domaine johannique.

17. Paul N. ANDERSON, exégète quaker américain, a consacré à l’étude de Jn 6 sa thèse de doctorat défendue devant l’Université de Glasgow en 1988. L’a. part d’un constat sur les affirmations christologiques de Jn qui pourraient être attribuées soit à la christologie élevée (266) soit à la christologie subordonnée (267). Cette tension a été diversement appréciée par les critiques, mais A. affirme d’emblée que « négliger les tensions chez Jn sans affronter les problèmes qu’elles présentent n’est pas une option pour une étude sérieuse et contemporaine du quatrième Évangile » (4). Il souligne le caractère incontournable du commentaire de Bultmann, même à l’étape actuelle des recherches johanniques. En effet, le maître de Marbourg avait su « synthétiser les diverses théories antérieures en un tout cohérent. Cela n’avait pas été fait auparavant à un tel niveau d’argumentation soutenue et exhaustive » (6, n. 16). Cet hommage implique, dans le concret, la prise au sérieux des quatre christologies détectées par Bultmann chez Jn (celles des discours de révélation [a], de la source des signes [b], de l’évangéliste [c] et du rédacteur ecclésiastique [d]) et leur mise à l’épreuve. Et A. de soutenir que ces quatre éléments se retrouvent ensemble dans Jn 6 (par ex. [a] : 6/27a, 33, 35, 37b, 44a, 45c, 47b, 48 ; [b] : 6/16-21, 25 ; [d] ; 6/1c, 18, 23c, 27d, 39c, 40c, 44b, 51c-58). Que les hypothèses de Bultmann soient dépassées par les recherches récentes dans les domaines de l’histoire religieuse (Nag Hammadi, Qumrân), de la critique littéraire (cf les travaux de Schweizer, Ruckstuhl, Noack) et de l’histoire de la communauté johannique (cf les contributions de Käsemann, Martyn, Brown, Meeks), ne diminue en rien la qualité de son argumentation littéraire, historique et théologique (70 s). Grâce à la théorie dialogique de Mikhaïl Bakhtine et à la mise en évidence d’une théologie dialectique chez Jn par C. K. Barrett, A. dégage la cohérence littéraire de Jn 6 et réfute, du même coup, l’hypothèse bultmannienne sur les discours de révélation. Ensuite, l’a. articule, à l’aide de la théorie psychologique de J. Fowler, une nouvelle hypothèse sur la maturation spirituelle de l’évangéliste, lequel aurait fait preuve d’une foi conjonctive (aussi bien … que) au lieu d’une attitude exclusive plus infantile (ou bien … ou bien). D’où la présence massive de termes opposés chez Jn (142-148, 164-165).

Voici les conclusions les plus importantes de l’a. : 1/ Jn 6 n’est pas une rédaction de sources écrites antérieures telles que Mt ou Lc ; et les similitudes verbales entre Jn et Mc viennent d’un contact au stade oral de leurs traditions. 2/ Les miracles de Jésus n’ont pas pour but d’attesterl’origine divine du Christ, mais plutôt de tester la foi des gens. 3/ La rhétorique juive sur la manne est renversée par le Jésus johannique, de sorte que, pour la première fois dans l’histoire de l’interprétation, la manne est considérée comme inférieure et mortifère par rapport au pain vivifiant que Jésus donne et qu’il est (220). 4/ Jn 6 fut probablement inséré entre les chap. 5 et 7 lors d’une rédaction ultérieure de l’Évangile pour développer le thème sur Moïse introduit par Jn 5/46 (suggestion de Lindars). 5/ La christologie de Jn 6 relève de la typologie du Prophète-comme-Moïse (cf Dt 18/15-22). 6/ La réflexion dans Jn 6 rend compte des débats internes et externes de la communauté johannique qu’on pourrait retracer comme suit : [phase 1] Des tensions avec la synagogue locale en Asie Mineure (55-85 ap. J-C) entraînent le retour en arrière, c-à-d à la Synagogue, des chrétiens johanniques d’origine juive ; [phase 2] Durant la persécution de Domitien (81-96 ap. J-C), certains chrétiens d’origine païenne persuadent leurs coreligionnaires de nier l’humanité de Jésus et de rompre avec la communauté ; ici, le docétisme a pour conséquence la négation de la souffrance liée au témoignage de la foi ; [phase 3] La menace d’institutionnalisme ecclésiastique vers la fin du Ier s. et la marginalisation locale des groupes johanniques appellent la risposte de la part de ces derniers, qui insistent sur la christocratie absolue et le don du Paraclet à tous ; après leur réintégration dans la grande Église dès le début du IIe s., les chrétiens johanniques constituent un ferment de réforme christocratique et de foi christocentrique. Cet ouvrage comporte de nombreux schémas et annexes très éclairants, une bonne bibliographie et des index utiles.

Sur le point 2, malgré la valeur suggestive de l’opposition attestingtesting, on trouve aussi des fonctions attestaires de sèmeion chez Jn (2/11, 3/2b, 6/14, 9/16b). Jn combine donc le dévoilement de l’identité de Jésus et la mise à l’épreuve de la foi (un aspect de la pensée conjonctive ?). Sur les points 3 et 5, la critique du motif juif de la manne ne serait-elle pas mieux expliquée par une christologie de supériorité (cf R. Kieffer dans ETR 1979, 579-591) plutôt que par cette typologie mosaïque ?

18. La thèse de Derek TOVEY a pour objet d’analyser le récit de Jn à travers le modèle narratif de F. K. Stanzel et la théorie des actes de langage de J. R. Searle et de M. L. Pratt. Dans le chap. introductif, l’a. donne un aperçu général sur l’approche narrative de Jn et décrit l’originalité de son étude qui inclut l’examen des actes de langage de l’auteur implicite. Le chap. 2 engage un débat théorique sur les déficiences du modèle de S. Chatman, que les exégètes utilisent largement, et propose une rectification de ces insuffisances à l’aide du disque typologique des situations narratives de Stanzel, où le phénomène de reflectorisation (le narrateur change de point de vue et rejoint un personnage du récit) est mis en évidence. Dans le chap. 3, T. essaye de montrer à l’aide de quelques textes (par ex. 20/30-31, 21/24-25) la pertinence de l’étude des actes de langage. Le chap. 4 présente la figure complexe du Disciple bien-aimé tandis que le chap. 5 donne un exemple dereflectorisation en Jn 3. En réfléchissant sur les implications de sa théorie, l’a. examine le genre littéraire du quatrième Évangile : après avoir rappelé les problèmes de la fiction à travers le Roman de Chairéas et de Callirhoé, écrit par Chariton au Ier s. de notre ère, il considère que Jn est un « texte de représentation » (display text) dont la pertinence relève de ce qu’on appelle la « dicibilité » (tellability) et dont les actes de langage appartiennent aux classes de la description du monde et de la production de pensée (world-describing,thought-producing). La dicibilité se fonde sur un état des choses inhabituel et problématique, mais intéressant par sa nouveauté. Ainsi, « l’Évangile doit être placé dans une position dynamique entre les pôles de l’histoire et de la fiction […]. L’Évangile présente une histoire de Jésus vue dans une perspective théologique. C’est une vision de l’histoire d’un croyant et non celle d’un historien séculier moderne. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas « historique », c’est plutôt une histoire de type différent, notamment une histoire théologisée » (222, 226). Le chap. 7 illustre cette description par l’épisode de la purification du Temple (Jn 2). Le chap. final résume les caractéristiques narratives et pragmatiques de l’Évangile de Jn. Cet ouvrage peut bien servir d’introduction à l’analyse littéraire du genre évangile et aux implications épistémologiques de celle-ci.

19. Nous possédons maintenant une description complète de l’état de la recherche johannique grâce à Jörg FREY qui, sous la direction de M. Hengel, a étudié l’eschatologie johannique. Dans le paragraphe introductif, l’a. justifie l’importance de l’histoire de la recherche qui « repère les intérêts et les jugements de valeur théologiques reconnaissables derrière les décisions exégétiques particulières et discute leur adéquation au texte et à l’objet. Elle peut tester la valeur interprétative des nombreuses méthodes nouvelles éprouvées au cours de la recherche johannique, aider à éviter – dans la mesure du possible – les catégories d’interprétation inadéquates et rappeler des jugements instructifs mais partiellement ensevelis » (5). Fort de cette conviction, l’a. retrace avec précision l’histoire de l’interprétation de Reimarus à Schweitzer et constate que la prédication du Règne de Dieu par Jésus était conçue comme une réalité présente, spirituelle-intime et morale. Ainsi, l’Évangile de Jn est devenu un critère herméneutique permettant de critiquer l’eschatologie future prônée par l’Église. Mais F. fait remarquer que « la mise en relief d’une eschatologie purement présente à partir du quatrième Évangile pouvait – déjà dans la recherche du siècle dernier – réussir seulement par une prise en compte sélective des données du texte et une traduction libre des passages gênants » (49). L’a. décrit ensuite les difficultés de la critique des sources qui se donne pour but de distinguer entre eschatologie présente et eschatologie future : il s’avérait impossible d’isoler un passage univoque, même dans un passage supposé facile comme Jn 5. Il est, en effet, très difficile d’établir le contour textuel et le profil eschatologique de l’original (70-71). La tâche de l’histoire des religions n’est pas plus facile, car l’alternative rigoureuse entre judaïsme et hellénisme, défendue par la majorité des commentateurs, ne résiste pas à l’analyse historique menée par H. Odeberg en 1939. Cependant, s’il y a un nom qui a largement dominé la recherche johannique de ce siècle, c’est bien celui de Rudolf Bultmann. Celui-ci a su imposer sa notion d’eschatologie, désormais comprise comme le contraire de mondain et d’histoire événementielle (historisch) et comme le synonyme d’histoire existentielle (geschichtlich), non représentable, insaisissable, concernant l’homme individuel devant Dieu et purement présente. Ainsi « l’eschatologie ne désigne plus le discours sur la fin temporelle à venir, mais sur la fin de l’histoire à l’intérieur de son propre cadre » (152). Avant l’apparition de la critique rédactionnelle proprement dite, Bultmann avait déjà souligné que « ce n’est ni la théologie et la proclamation johannique en général, ni le milieu d’où cela provient, ni la tradition reçue, mais la conception théologique de l’évangéliste qui détermine l’interprétation objective du texte » (153 s). Et F. de souligner qu' »un commentaire du quatrième Évangile après Bultmann reconnaîtra encore plus l’obligation de réfléchir sur la question de la pertinence actuelle des affirmations du texte et d’en répondre » (156). L’a. n’oublie pas de résumer, en un paragraphe très dense, les points faibles de l’interprétation bultmannienne dans les domaines de l’histoire johannique, de la chronologie des sources externes, de la stylistique des sources internes et de la structure de l’Évangile (155). L’histoire continue grâce aux disciples de Bultmann qui travaillent avec le postulat existentialiste du temps chez Jn, avec l’attribution des éléments apocalyptiques au rédacteur et des données spécifiques de l’évangéliste et avec une mise en perspective théologique de l’interprétation (193-203). Puis l’a. donne un panorama des recherches menées en dehors de l’école bultmannienne, mais toujours sous son influence indirecte (dans l’aire germanophone et dans les pays anglo-saxons). La position des non-bultmanniens se caractérise en deux points : a) l’eschatologie est une fonction de la christologie et non l’inverse ; b) l’eschatologie future se trouve aussi dans l’Évangile de Jn. L’a. poursuit sa présentation avec les récentes études depuis 1970, dont les principales tendances sont le retour en force de la question historique ainsi que le recours à la sociologie, à la linguistique et à l’étude littéraire. La majorité des exégètes favorisent maintenant l’unité littéraire de Jn : « Si l’Évangile se laisse démontrer dans sa forme actuelle (du point de vue narratif ou dramatique ou par l’intermédiaire du langage symbolique) comme une composition signifiante et efficace et montre pragmatiquement son intention effective unifiée malgré les tensions sémantiques, alors les « apories littéraires » souvent brandies ne peuvent plus valoir comme fondements contraignants pour une séparation de couches littéraires » (431). Vers la fin de l’ouvrage (455-465), l’a. ramasse en 15 thèses sa propre position sur l’interprétation du quatrième Évangile : il opte résolument pour la forme actuelle de l’Évangile et pour la prise en compte de son contexte de communication. Partant, il qualifie d’incontrôlables toutes les tentatives d’isoler un Évangile prérédactionnel et réfute toute reconstruction historique immédiate de la communauté johannique à partir du texte (ce serait de la science-fiction !). Il insiste aussi sur la nécessité d’une interprétation théologique rigoureuse qui ne tombe pas en deçà des acquis de Bultmann et de ses disciples. Enfin, à la suite de T. Onuki, il met en relief la fusion des horizons chez Jn, surtout dans le domaine temporel (temps du Jésus terrestre, temps post-pascal : cf Jn 4/23, 5/25), et montre ainsi l’importance d’une lecture à deux niveaux. Sur ce point, nous aimerions faire une remarque : si le temps du récit a besoin d’être lu de deux manières (pré- et post-pascale) comme F. le souligne à juste titre, pourquoi refuse-t-il à la méthode socio-historique le droit de lire aussi le temps de l’histoire à deux ou à trois niveaux et de reconstruire, à ses risques et périls, l’histoire de Jésus et surtout celle de la communauté ?

À la fin de son ouvrage magistral, l’a. donne une ample bibliographie (471-522) très précieuse et des index fort utiles. Voilà une énorme documentation qui honore la tradition théologique allemande !

20. Les discours d’adieu (Jn 13/31-17/26) ont fait l’objet d’un commentaire novateur de la part de C. DIETZFELBINGER, qui poursuit l’interprétation historico-théologique de l’Évangile. Il les divise en quatre parties : adieu et venue du Révélateur (13/31-14/31) ; la communauté dans le monde (15/1-16/15) ; la joie eschatologique de la communauté dans la peur du monde (16/16-33) ; la prière de Jésus pour la communauté (17/1-26). En introduction, l’a. souligne que « dans les discours d’adieu, le Christ de l’Évangile de Jn s’exprime en terminant son message et ainsi en ouvrant l’avenir. Tandis qu’il arrive à la fin de son envoi, il fait parvenir à son but cet envoi, sa validité pour la communauté et pour le monde […] Avec les adieux de Jésus, l’avenir s’ouvre et l’envoi de Jésus possède un nouveau visage dans l’envoi des disciples » (2 s). Et l’a. de regretter que ces discours aient peu d’impact dans la conscience chrétienne en tant que message adressé à une communauté historique.

Dans l’interprétation du premier discours, D. donne une explication intéressante sur la foi pascale : 1/ « Est témoin pascal non seulement celui qui l’est historiquement. Est témoin pascal chaque personne qui comprend Jésus par la foi et qui s’accroche à lui par l’amour (Jn 14/21) […]. L’extension que l’évangéliste provoque avec le concept de « témoin pascal » n’a aucune analogie dans le NT » (77) ; 2/ « Ni le recours aux récits pascaux transmis, ni la foi en la fiabilité des premiers témoins pascaux ne constitue la base de la foi pascale à vivre actuellement. Une telle foi a besoin de l’expérience personnelle du Christ comme ressuscité, et cela est une expérience assurée et accessible par le Paraclet » (79) ; 3/ « Non seulement le discours sur les « oeuvres plus grandes », mais le premier discours d’adieu en général est dominé par la volonté de l’évangéliste de rendre obligatoire et compréhensible à la communauté post-pascale son existence comme communauté légitime, voire comme la communauté véritable » (85). Concernant l’eschatologie de ce discours, l’a. affirme que « la nouveauté chez Jean n’est pas dans le discours sur la présence du salut eschatologique, mais dans sa façon de mettre l’accent exclusivement sur le présent, enlevant tout fondement à l’attente de l’avenir apocalyptique » (102). Dans le deuxième discours, l’a. met en exergue, entre autres, le rôle du Paraclet : [1] « Avec la figure du Paraclet, les discours d’adieu élaborent ainsi un complexe de questions bien connu dans le judaïsme – la continuité menacée de la révélation – et ils donnent, en introduisant le Paraclet, une réponse semblable aux prototypes juifs, en même temps tout à fait personnelle et remplie de l’expérience du Christ » (208) ; [2] « Chez le Paraclet johannique se tient au centre non pas l’exhortation, l’enseignement et le réconfort, mais l’actualisation de la parole et de l’action de Jésus qui est parti […] la désignation <Paraclet> et les fonctions qu’on attribue au Saint-Esprit appelé Paraclet ne se recouvrent plus » (209) ; [3] « Pour la communauté johannique, l’expérience de l’Esprit se réduit au don de prophétie, dans la parole de laquelle Jésus se rend présent » (216) ; [4] « Le risque, qu’on court par là, est immense ; Qui garantit que l’arbitraire ne s’insinue pas dans l’obéissance et l’orgueil à allure enthousiaste dans la liberté créatrice et qu’ils ne paralysent pas l’action du Paraclet comme Esprit promis par Jésus et envoyé par Dieu ? Mais sans un tel risque il n’y a jamais eu de proclamation chrétienne » (225). Si le troisième discours parle de l’existence eschatologique, le quatrième discours apporte un correctif à la vision du monde de la communauté ; [1] « La menace par le monde et par le refus du monde, entièrement réelle et présente dans la conscience de la communauté (Jn 17/9.14), est transformée – par considération de l’avenir voulu et ouvert par Dieu – en espérance, selon laquelle le monde cesse d’être monde et devient à nouveau création » (353) ; [2] « Si la communauté veut rester communauté, si elle veut maintenir son unité enracinée dans l’unité entre Dieu et Jésus, alors elle doit transformer son être-un et son être-les-uns-pour-les-autres en être-pour-le-monde » (354). Ces extraits de l’ouvrage nous donnent une idée sur la qualité de la méditation théologique que D. mène à travers l’exégèse rigoureuse des quatre discours. L’a. a parié pour la clarté de son exposé à la suite de Jn (xv), ce qu’une question longue de 11 lignes (215) risque, p. ex., de gâcher ! Mais généralement, l’a. a tenu parole ; ce qui rend son ouvrage agréable à lire même pour un lecteur non germanophone. Notons enfin que ce livre montre la pertinence d’une lecture théologique qui se tient en dehors des modes actuelles.

21. Une thèse dirigée par D.A. Carson sur la mission chez Jn vient de paraître. Elle a été écrite par Andreas J. KöSTENBERGER, un jeune théologien évangélique, qui s’efforce d’offrir une synthèse théologique basée sur une étude du champ sémantique mission. Après avoir passé en revue les recherches récentes sur la mission chez Jn, l’a. constate leurs différentes limites ; trop centrées sur la christologie, réduites à l’étude du mot envoi et dérivés, défaillantes dans la théorie, partielles selon les péricopes étudiées. Le travail de Teresa Okure sur Jn 4 est considéré par l’a. comme le meilleur qu’on puisse trouver sur le sujet. Dans un chap. théorique, K. souligne la priorité du contexte face au champ sémantique qui, cependant, est très utile pour déterminer les contextes à explorer. Ensuite, l’a. insiste sur la distinction fondamentale entre mot et concept ; la principale faiblesse des travaux antérieurs réside précisément dans la fixation sur le mot pempô, alors que le concept de mission se trouve aussi dans des contextes où pempôn’apparaît pas. D’où la détermination de deux champs sémantiques pertinents pour l’étude de la mission chez Jn ; d’une part, l’activité impliquant le déplacement d’un lieu à un autre ; d’autre part, l’accomplissement d’une tâche spécifique. En attribuant les passages concernés à Jésus et aux disciples, l’a. fait remarquer que la majorité de la terminologie concerne Jésus dont la mission est l’objet principal de l’Évangile. Puis, 16 portions de textes (semantic clusters), dans lesquelles la terminologie missionnaire apparaît fréquemment, sont identifiées. Voici la définition que l’a. entend vérifier par l’analyse de ces textes ; « Est mission la tâche spécifique ou l’objectif qu’une personne ou un groupe cherche à accomplir, impliquant divers modes de mouvement, que ce soit envoyer ou être envoyé, venir et aller, monter et descendre, rassembler en appellant les autres à suivre, ou suivre » (41). Le chap. qui traite de la mission de Jésus résume celle-ci en trois points ; Jésus est le Fils envoyé par Dieu ; il vient ici et retourne là où il était ; il se manifeste comme le Maître-Berger eschatologique. Dans sa mission, Jésus vise aussi bien à aimer Dieu qu’à emmener les autres à la foi. Quant à la mission des disciples, elle ne remplace pas, mais poursuit celle de Jésus, qui demeure l’unique fondement de toute oeuvre ultérieure des croyants. Mieux encore, c’est le Christ exalté qui agit à travers ses disciples pour engranger la moisson eschatologique. Quant aux disciples, ils viennent à Jésus, le suivent et sont envoyés pour témoigner, porter des fruits et rentrer les récoltes finales. Dans la conclusion, l’a. prend position par rapport aux trois grandes hypothèses concernant l’intention de Jn (écrit missionnaire / édifiant / sectaire) ; il souligne d’abord l’intérêt de Jn pour la mission dans le monde (Jn 3/16 ; 17/18) et réfute ensuite, sur la base des données statistiques, l’hypothèse de la communauté johannique (p. ex. Martyn, Brown, Meeks) comme inapte pour rendre compte du nombre infime des textes concernant la mission des disciples et de la prédominance de la mission de Jésus. Acceptant la possibilité du caractère missionnaire et édifiant de Jn, K. est enclin à insister sur le côté missionnaire. Enfin, dans la section traitant les implications pour aujourd’hui, l’a. note 1/ que le service social ou matériel des hommes n’est pas caractéristique de la mission de Jésus et de ses disciples chez Jn (même Jn 13 ne relate pas la mission dans le monde, mais le service mutuel entre chrétiens), 2/ que « ce n’est pas la manière dont Jésus venait au monde (l’incarnation), mais la nature de la relation de Jésus avec son destinateur(rapport d’obéissance et de dépendance manifeste) qui est présentée dans le 4e Évangile comme le modèle de la mission des disciples » (217). L’ouvrage se termine par une bibliographie abondante et des index ; il reflète un réel souci de dialogue avec la science exégétique de la part des théologiens évangéliques engagés dans la réflexion missiologique. Un autre ouvrage à recenser dans ETR confirme ce constat.

22. Un théologien indien, Jey J. KANAGARAJ, a publié sa dissertation doctorale supervisée par le Prof. James D. G. Dunn ; son objet est l’étude historique de l’arrière-plan religieux de la mystique chez Jn. La question centrale consiste à se demander quel(s) genre(s) de mystique existant au premier siècle pourrai(en)t avoir influencé le 4e Évangile. En passant en revue les différents points de vue sur le sujet, l’a. trouve deux tendances principales : a/ la théorie de l’unio mystica qui prévoit la transformation de l’âme dans la ressemblance à Dieu et l’inhabitation mutuelle entre ces deux entités ; certains partisans de cette théorie émettent l’hypothèse que l’Évangile serait rédigé dans l’extase ou reçu dans une transe mystique ; b/ La théorie de la communio mystica qui présuppose une relation médiate entre le croyant et Dieu (à travers le Christ), met l’accent sur l’ancrage historique de l’existence et fait ressortir les qualités éthiques (amour, obéissance). Concernant les arrière-plans culturels de Jn, les chercheurs optent ou bien pour la mystique hellénistique (Schweitzer, Dodd, Mealan) ou bien pour la mystique juive (Odeberg, Preiss, Dahl, Borgen, Meeks, Bühner, Dunn). L’a. penche en faveur de la thèse juive et choisit la mystique du trône (Merkabah Mysticism) comme grille de lecture. On sait que cette forme de spiritualité accorde une importance exceptionnelle aux textes d’Ez 1/8-10, Es 6 et Dn 7. Dans la mystique hellénistique, l’a. détecte un processus de déification de l’homme et, dans la mystique philonienne, il voit l’ascétisme et le recours au principe féminin – la Sophia comme effusion de la puissance et de la nature divines. Après avoir établi la diffusion de la mystique juive du trône avant et après l’apparition du christianisme, K. examine l’herméneutique biblique de la mystique Merkabah basée sur les trois textes sus-mentionnés et en dégage 14 aspects essentiels qui constituent précisément la définition de la mystique palestinienne. Puis l’a. explore l’existence de ces motifs dans Jn : montée-descente, vision du trône, envoi du Fils de l’homme, inhabitation, lumière, Logos, ésotérisme. Concernant le Logos, K. fait remarquer que Jn combine les orientations des deux branches de la mystique Merkabah ; l’une – appelée ma’aseh merkabah – insiste sur la souveraineté de Dieu sur le monde, tandis que l’autre – appelée ma’aseh bereshit – vise à déceler derrière les secrets de la création la vérité divine. En accomplissant cette fusion, Jn « cherche à confronter et persuader les mystiques de son temps à croire en Jésus, le Logos-Fils, qui est la révélation de la gloire divine sur terre et qui incarne la réalité derrière la création de Dieu » (300). Quant aux éléments ésotériques, l’a. les détecte dans les procédures littéraires de Jn (ironie, symboles, malentendu) qui ne sont compréhensibles que pour ceux qui croient en Jésus, Fils de Dieu. En fait, c’est la situation historique (conflit et/ou persécution) de la communauté qui justifie ce type d’écriture. Pour cette raison, K. déboute les critiques émises (p. ex., par D.A. Carson) contre la théorie du récit à deux niveaux de J. Louis Martyn (309 n. 45). Une bibliographie spécialisée et des index utiles terminent ce livre qui constitue une preuve supplémentaire en faveur de l’origine palestinienne de Jn. Quelques questions pour conclure : a/ Pourquoi Jn n’exploite-t-il pas les trois textes favoris de la mystique du trône, à part quelques citations comme Jn 5/22 ; 12/41 ? b/ Est-ce que les affirmations vétérotestamentaires sur la présence de Dieu parmi son peuple (271-272) ont vraiment la même portée que les énoncés johanniques sur l’inhabitation de Dieu dans chaque croyant ? c/ Si Jn avait adopté un langage fondamentalement ésotérique (tourné vers l’intérieur et impliquant la fermeture), comment les premiers Tannaïm (55) ou les mystiques juifs (310) pourraient-ils être encore visés par le 4e Évangile ?

1.3. Ouvrages collectifs

23. Un livre d’hommage à D. Moody SMITH, Duke University, a été confectionné par ses disciples et ses collègues, pour rendre compte aussi bien des contributions du dédicataire à l’étude du johannisme que de l’état actuel de la recherche. On trouve au début de l’ouvrage (XVI-XXVII) la liste des travaux de S. dont R. KYSAR retrace le parcours et donne une appréciation positive ; exemple de clarté et de créativité, disponiblité à réapprendre à partir des nouvelles méthodes de lecture, modestie dans la formulation des hypothèses (3-17). La suite se divise en cinq parties qui concernent la quasi-totalité des domaines de la recherche (la critique textuelle étant la grande absente) ; [A] L’histoire et le caractère de la communauté johannique ; M. Meye THOMPSON traite du rapport entre le Jésus historique et le Christ johannique (21-42) ; elle termine sur une note artistique selon laquelle l’icone de Jn a Jésus pour portrait et la confession de foi pour cadre, le génie de Jn étant d’avoir coproduit les deux en peignant. W. D. DAVIES réfléchit sur l’arrière-plan juif de Jn (43-64) et constate que, tout en intégrant les éléments essentiels du judaïsme de son temps, Jn les défie au nom du Christ ; cela a conduit à une rupture amère dont voici l’indice le plus bouleversant ; Jn affirme que le salut vient des Juifs, mais il n’inclut pas tous les Juifs, y compris lui-même, parmi les Juifs. J. H. CHARLESWORTH étudie les relations entre les rouleaux de la mer Morte et Jn (65-97) et aboutit à la conclusion que Jn n’est pas un sous-produit de la philosophie grecque du 2e siècle, mais bien un évangile juif – peut-être le plus juif ! – influencé par le langage symbolique de Qumrân. P. BORGEN compare Jn avec l’hellénisme (98-123) et en déduit que l’Évangile reflète un hellénisme judéo-chrétien, se rapproche malgré tout du dualisme gnostique, a une affinité avec l’internationalisme hellénistique. J. L. MARTYN examine si une mission païenne a remplacé une mission antérieure juive chez Jn (124-144) et y répond par la négative en soulignant l’optimisme incroyable de Jn à l’égard des Juifs hostiles (Jn 6/44 ; 7/48 ; 12/42). [B] Les traditions de Jn ; J. BEUTLER rouvre le dossier de l’usage de l’Écriture dans Jn (147-162) et note que c’est l’Écriture dans son ensemble et non les passages individuels qui rend témoignage au Christ ; paradoxalement, on ne peut parvenir à cette conviction que parce qu’on a déjà la foi. C. K. BARRETT étudie les parallèles entre Ac et Jn (163-178) et fait remarquer que ceux-ci s’inscrivent dans les croyances communes des premiers chrétiens ; ce qui démontre que Jn est un dissident bien informé des positions majoritaires. F. F. SEGOVIA reprend la question de la critique des traditions en général et chez Jn en particulier (179-189) ; il opte pour une rédaction postérieure de Jn 15-16 et 21 et insiste sur le rôle de l’intertextualité dans Jn. [C] Les aspects littéraires de Jn ; R. A. CULPEPPER rend compte de l’évolution de l’interprétation de l’ironie depuis 1983 (193-207) ; les questionnements issus de la théorie des actes de langage, de la rhétorique et des sciences sociales ont fait rebondir la compréhension de l’ironie, laquelle « parle à des gens dans une situation-limite, à ceux qui sont en train de changer ». E. SCHWEIZER relance la vieille question des `paraboles’ johanniques (208-219) et considère le langage de Jn comme forgé par la foi post-pascale qui prend les réalités du monde pour des métaphores du Verbe incarné et crucifié. C. C. BLACK examine la grandeur de la rhétorique johannique (220-239) à partir du Sublime de Pseudo-Longin et voit une parfaite adéquation du style à l’objet du discours dans Jn 14-17. B. R. GAVENTA analyse narrativement la fin excessive de Jn 21 (240-252) et signale que l’Évangile ne prend jamais fin – car il ne peut pas être tu – ; le chap. 21 fonctionne comme « une anti-finale qui ouvre l’avenir de Pierre et du Disciple bien-aimé ». [D] La théologie de Jn ; P. W. MEYER reconstruit l’image de Dieu dans Jn (255-273) et trouve les traits distinctifs de Jn dans les énoncés sur le Fils de l’homme et les références au Dieu qui, originairement, envoie Jésus ; « ici l’eschatologie a été remplacée par la protologie. Jésus n’a pas besoin d’une revendication eschatologique ». L. E. KECK attire l’attention sur un aspect de la christologie de Jn (274-288) ; l’idée de dérivation (cf. l’usage de la préposition ek) ; la réussite de la mission de Jésus est liée à sa dérivation de Dieu (ek theou), car il n’est pas de ce monde. Anthropologiquement, la dérivation indique qu’aucune autodéfinition ou autogénération de l’homme n’est possible ; « chacun dépend du centre où le soi est constitué ». S. S. SMALLEY reprend le thème du Paraclet (289-300) en présupposant que les fonctions de l’Esprit dans Ap constituent les matériaux de base pour l’idée de Paraclet chez Jn. J. D. G. DUNN envisage les relations entre Jn et les Synoptiques à partir de la théologie (301-313) et y décèle à la fois une continuité foncière et une diversité irréductible attestant qu’ « aucun individu – ni église ni tradition, dans ce cas – ne peut reproduire l’Évangile dans sa complétude » (308). [E] L’appropriation de la proclamation de Jn ; W. A. MEEKS explore l’éthique de Jn (317-326) qui se caractérise par la formation d’une communauté solidaire et par la résistance au monde. H. WEDER médite sur l’herméneutique du Dieu incarné (327-345) et fait ressortir que « celui qui devint un être humain devient concevable comme la réalité de Dieu dans le monde, et Dieu lui-même n’est plus concevable en dehors de cette orientation de son amour vers ce monde ». J. PAINTER réfléchit sur l’herméneutique bultmannienne de Jn (346-368) qui s’avère appropriée pour saisir la possibilité d’une existence authentique donnée par le Logos créateur et pour apprécier la quête incessante de la vraie vie. Cet ouvrage constitue donc une véritable somme des études critiques sur Jn et il a l’avantage d’être agréable à lire.

24. P.N. ANDERSON reprend et améliore ses hypothèses dans un recueil consacré à Jn 6 et édité par R. Alan CULPEPPER. Son article (« Le Sitz im Leben du discours johannique sur le pain de vie et son contexte évolutif », 1-59) donne des schémas complets sur la rhétorique en spirale de Jn 6 et décrit en quatre étapes (au lieu de trois comme dans sa dissertation) l’histoire de la communauté johannique. 55-70 AD ; arrivée de l’Évangile en Asie Mineure et début de la tradition johannique ; 70-90 AD ; tensions avec la synagogue locale ; 81-96 AD ; amorce de la persécution romaine et départ des pagano-chrétiens ; 85-100 AD ; tensions avec l’Église dominante. Dans sa contribution (« Jésus et la quête de la vie éternelle », 61-94), John PAINTER montre comment l’évangéliste a transformé la tradition des pains dévoilant un prophète faiseur de miracles en un récit de recherche de la vie. Quant à Peder BORGEN (« Jean 6 ; tradition, interprétation et composition », 95-114), il explique pourquoi Jésus n’est pas seulement le prophète-comme-Moïse et comment certains thèmes dans Jn 5 préparent le chap. 6 (preuve par les Écritures 5/39-40 -> 6/31-58 ; preuve par les oeuvres 5/36 -> 6/1-13). Puis, Johannes BEUTLER analyse la structure de Jean 6 (115-127). Francis MOLONEY examine la fonction des prolepses dans ce même chap. (129-148) comme 6/12-13 ; 6/27 ; 6/35 ; 6/51c. Gail O’DAY étudie Jn 6/15-21 comme une narration christologique (149-159) où « le pouvoir qui permet à Jésus de nourrir les multitudes n’est pas le pouvoir ni d’un prophète ni d’un roi. C’est plutôt le pouvoir de celui qui marche sur la mer. C’est-à-dire le pouvoir de Dieu ». Robert KYSAR lit Jn 6/25-71 pour observer les impacts possibles du texte sur le lecteur, notamment la démolition de la foi conçue comme une décision humaine (161-181). Maarten J. J. MENKEN donne une interprétation christologique et non eucharistique à Jn 6/51c-58 (183-204). Ludger SCHENKE étudie à travers Jn 6/60-71 le schisme johannique et les Douze (205-219). Marianne M. THOMPSON fait ressortir l’image de Dieu construite par Jn 6 et note, entre autres, que « Dieu est toujours en train de donner la vie – comme dans le passé, de même maintenant par Jésus et dans le futur aussi de la résurrection à la vie éternelle » (221-246). Finalement, R. A. CULPEPPER résume les résultats des contributions et les met en perspective (245-257). P. 253, section E, l. 1 ; lire Gérard Genette.

25. Dix ans après la 1re édition d’une anthologie sur Jn, J. ASHTON se rattrape en intégrant dans son livre des études de type synchronique vis-à-vis desquelles il s’était montré un peu condescendant (cf 21-23). L’introduction à la 2e édition constitue un aveu de la pertinence de la critique narrative dont l’Anatomy of the Fourth Gospel d’A. Culpepper fait figure de pionnier dans le domaine johannique. Ainsi, à part les contributions déjà signalées par J. Zumstein dans ETR 63, 1988, p. 589, notons l’étude du lecteur chez Jn par F. J. MOLONEY (219-233), l’interprétation féministe de Jn 4/1-42 par S. M. SCHNEIDERS (235-259), l’analyse structurale de Jn par M. W. G. STIBBE (261-278), la lecture déconstructionniste du récit de la femme samaritaine par S. D. MOORE (279-299), la réflexion méthodologique sur le rapport entre critique historique et critique narrative par M. C. DE BOER (301-314). Ce recueil reflète les multiples tendances de la recherche johannique actuelle et rendra service aux étudiants et aux exégètes.

(à suivre)


Notes

 

Cf les chroniques récédentes : J.-C. Ingelaere (ETR 1979, 631-646), J. Zumstein (ETR1984, 547-556 et 1988, 588-593).

Andrianjatovo RAKOTOHARINTSIFA est professeur de Nouveau Testament à la Faculté de théologie protestante d’Antananarivo.

1 Xavier LÉON-DUFOUR, Lecture de l’Évangile selon Jean, IV : L’heure de la glorification (chapitres 18-21), (Parole de Dieu), Paris : Seuil, 1996. 21 cm. 269 p. ISBN 2-02-030411-2. FF 190.

2 Charles L’ÉPLATTENIER, L’évangile de Jean, (La Bible, Porte-parole), Genève : Labor et Fides, 1996. 21 cm. 421 p. ISBN 2-8309-0699-3. FF 148.

3 Yves SIMOENS, Selon Jean, t. 1 : Une traduction  ; t. 2 : Une interprétation (Jn 1-12) ; t. 3 : Une interprétation (Jn 13-21), (IET 17), Bruxelles : Institut d’études théologiques, 1997. 24 cm. 99 + 1013 p. ISBN 2-930067-29-2.

4 Ulrich WILCKENS, Das Evangelium nach Johannes, (Das NT Deutsch 4), Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1998. 24 cm. 353 p. ISBN 3-525-51379-8. DM 64.

5 Udo SCHNELLE, Das Evangelium nach Johannes, (Theologischer Handkommentar zum NT 4), Leipzig : Evangelischer Verlagsanstalt, 1998. 24 cm. 321 p. ISBN 3-374-01673-1.

6 Charles Kingsley BARRETT, Jesus and the Word and Other Essays, (Princeton Theological Monograph Series 41), Allison Park : Pickwick, 1995. 22 cm. 276 p. ISBN 1-55635-029-5. $ 22,50.

7 Rudolf SCHNACKENBURG, JESUS IN THE GOSPELS. A BIBLICAL CHRISTOLOGY, Louisville : Westminster/John Knox Press, 1995. 24 cm. 383 p. ISBN 0-664-22059-2. $ 42,82. Publié en Allemagne en 1993.

8 Francis J. MOLONEY, Beginning the Good News. A Narrative Approach, Collegeville : The Liturgical Press, 1995. 21 cm. 175 p. ISBN 0-8146-2265-8. $ 9,95. Publié en Australie en 1992.

9 D. François TOLMIE, Jesus’ Farewell to the Disciples. John 13 :1-17 :26 in Narratological Perspective, (Biblical Interpretation Series 12), Leiden : Brill, 1995. 25 cm. 248 p. $ 81,50.

10 D. Moody SMITH, The Theology of the Gospel of John, (NT Theology), Cambridge : University Press, 1995, reprint 1996. 21 cm. 202 p. ISBN 0-521-35776-4. £ 9,95.

11 Sjef VAN TILBORG, Reading John in Ephesus, (Supplements to Novum Testamentum 83), Leiden : Brill, 1996. 25 cm. 232 p. ISBN 90-04-10530-1. $ 85,25.

12 David Mark BALL, `I Am’ in John’s Gospel. Literary Function, Background and Theological Implications, (JSNT Supp. 124), Sheffield : Academic Press, 1996. 22 cm. 309 p. ISBN 1-85075-587-6. £ 35,50.

13 Robert Gordon MACCINI, Her Testimony is True. Women as Witnesses according to John, (JSNT Supp. 125), Sheffield : Academic Press, 1996. 22 cm. 278 p. ISBN 1-85075-588-4. £ 39.

14 Martinus C. DE BOER, JOHANNINE PERSPECTIVES ON THE DEATH OF JESUS, (Contributions to Biblical Exegesis and Theology 17), Kampen : Kok Pharos, 1996. 23 cm. 360 p. ISBN 90-390-0191-X. Fl. 69,90.

15 Pierre-Jean RUFF, Le Dieu Esprit. Méditations à partir de l’Évangile de Jean, Rouvray : Éd. du Prieuré, 1996. 20 cm. 235 p. ISBN 2-909672-86-7. FF 140.

16 Pascal-Marie JERUMANIS, Réaliser la communion avec Dieu. Croire, vivre et demeurer dans l’évangile selon S. Jean (Études bibliques 32), Paris : Gabalda, 1996. 24 cm. 601 p. ISBN 2-85021-091-9. FF 490.

17 Paul N. ANDERSON, The Christology of the Fourth Gospel. Its Unity and Disunity in the Light of John 6, Valley Forge : Trinity Press International, 1997. 23 cm. 329 p. ISBN 1-56338-199-0. $ 25. Publié en Allemagne en 1996.

18 Derek TOVEY, Narrative Art and Act in the Fourth Gospel, (JSNT Supp. 151), Sheffield : Academic Press, 1997. 24 cm. 296 p. ISBN 1-85075-687-2. £ 45.

19 Jörg FREY, Die johanneische Eschatologie, Band I : Ihre Probleme im Spiegel der Forschung seit Reimarus, (WUNT 96), Tübingen : J. C. B. Mohr, 1997. 24 cm. 551 p. ISBN 3-16-146716-7. DM 188.

20 Christian DIETZFELBINGER, Der Abschied des Kommenden. Eine Auslegung der johanneischen Abschiedsreden, (WUNT 95), Tübingen : J. C. B. Mohr, 1997. 23 cm. ISBN 3-16-146687-X. DM 84.

21 Andreas KöSTENBERGER, The Missions of Jesus and the Disciples According to the Fourth Gospel. With Implications for the Fourth Gospel’s Purpose and the Mission of the Contemporary Church, Grand Rapids : Eerdmans, 1998. 24 cm. 271 p. ISBN 0-8028-4255-0. $ 30.

22 Jey J. KANAGARAJ, `Mysticism’ in the Gospel of John. An Inquiry into its Background ,(JSNT Supp. 158), Sheffield : Academic Press, 1998. 24 cm. 356 p. ISBN 1-85075-865-4. £ 55.

23 R. Alan CULPEPPER – C. Clifton BLACK (éd.), Exploring the Gospel of John. In Honor of D. Moody Smith, Louisville : Westminster/John Knox Press, 1996. 24 cm. 409 p. ISBN 0-664-22083-5. $ 42.

24 R. Alan CULPEPPER (éd.), Critical Readings of John 6, (Biblical Interpretation Series 22), Leiden : Brill, 1997. 25 cm. 289 p. ISBN 90-04-10579-4. $ 91,50.

25 J. ASHTON (éd.), The Interpretation of John, (SNTI), Edinburgh : T&T Clark, 19972. 22 cm. XVI-329 p. ISBN 0-567-08546-5. $ 14,95.

p. 81-102

Auteur

RAKOTOHARINTSIFA Andrianjatovo
Andrianjatovo RAKOTOHARINTSIFA enseigne le Nouveau Testament à la Faculté de théologie protestante d'Antananarivo.